Extrait

Sortie de bain

Florence Henrard

1994 - 4 minutes

Belgique - Animation

Production : Atelier de production de la Cambre

synopsis

Juste avant de souper, papa demande a sa fille d’aller prendre son bain, ce qui n’est pas chose facile.

Florence Henrard

De nationalité belge, Florence Henrard est née le 3 janvier 1971 à Bruxelles. Après un diplôme d’humanités supérieures en chimie, biologie et espagnol (équivalent de notre baccalauréat), elle entre en 1989 à l’Institut des Arts de Diffusion dans la section Son, puis intègre en 1990 la prestigieuse École nationale supérieure des arts visuels (ENSAV), suivant en cela ses goûts qui l’ont poussée à  suivre des cours du soir de dessin à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Josse entre 1986 et 1989.

Elle obtient en 1996 le diplôme de cinéma d’animation, avec “grande distinction”, pour Lili et le loup, son troisième court, après Sortie de bain, qui lui a rapporté de nombreux prix (après avoir été présenté en compétition officielle du Festival de Cannes 1995), et Noces de lait.

Par la suite, elle se consacre à être animatrice sur des projets d'autres artistes, comme François le Vaillant de Carles Porta en 2002 ou le long métrage Panique au village de Stéphane Aubier et Vincent Patar en 2009. Elle avait d'ailleurs co-fondé avec Carles Porta le studio Teatre Pixel en Espagne entre 2001 et 2007.

Florence Henrard anime un atelier d’écriture dans une école d’infographie en Belgique.

Critique

Bien sûr, on ne peut porter le même regard sur Sortie de bain en 2025 que lorsqu’il a été confectionné, entre les murs de l’excellente école de La Cambre, il y a tout juste trente ans. Beaucoup de chemin a été parcouru, fort heureusement, quant à la libération de la parole sur les abus dont ont été et sont victimes, dans le cadre familial, nombre de mineur(e)s. On doit donc aborder ce travail d’étudiante – le féminin est important – en gardant à l’esprit la distance des trois décennies écoulées.

Sortie de bain avait d’ailleurs été sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes en 1995, avant de se voir primé dans une kyrielle de festivals et d’être iunclus dans des dispositifs d’éducation au cinéma. Inventif visuellement (voir l’illustration des dialogues) et du point de vue de sa bande-son (assez “fleurie”), tout en revendiquant son apparente simplicité graphique, il était alors présenté par sa réalisatrice, Florence Henrard, comme l’histoire d’une petite fille qui devient une femme”. Un motif inépuisable pour le court métrage, que ce soit en live action ou en animation, et c’est dans un style limpide, ludique et volontiers bonhomme, que la jeune réalisatrice l’exploitait dans une direction délibérément incisive et un poil osée.

Son graphisme aux résonances enfantines se voulait trompeur : Sortie de bain ne s’adressait guère aux petits, même s’il était envisagé du point de vue d’une gamine au caractère bien trempé, confrontée à la puberté en accéléré, le récit jouant des possibilités du cinéma d’animation pour malmener les repères temporels. Envoyée manu militari au bain par son papa dépassé, l’espiègle fillette voyait apparaître d’imposants attributs sur sa poitrine plane, et si elle demeurait une enfant dans un corps de femme, le regard porté sur elle avait d’un coup changé, y compris de la part de ses parents. La réaction de son père, empressé derrière la porte et le souffle court, devant ces formes nouvelles, instille aujourd’hui un instant de gêne potentielle, d’autant que l’effroyable affaire Dutroux, évoquée dans un long métrage wallon sorti récemment au cinéma (Le dossier Maldoror de Fabrice du Welz) s’apprêtait à l’époque à secouer la Belgique d’une onde de choc tellurique.

On pourra aussi trouver passablement datée l’essentialisation de la mère larguant son foyer et son ingrate condition domestique en rendant son tablier et en transmettant son épluche-légumes à sa fille devenue femme, mais le but était aussi de jouer avec les clichés sexistes en vigueur et d’ébranler les piliers de l’institution familiale, la présence patriarcale étant ici plutôt grotesque. Et la “photo de famille” émaillant le générique final se pose en vestige plein d’ironie (“un papa, une maman” : l’expression a en outre pris une signification connotée depuis !). Au bout du compte, les excès risibles de l’autorité parentale, l’indifférence conjugale (sinon un dégoût intime, assez drôle) et le manque de considération envers l’épouse (résumé par un “quand est-ce qu’on mange ?”) font de Sortie de bain un vrai petit jeu de massacre, en 240 secondes chrono.

Christophe Chauville

Réalisation, scénario, montage, animation : Florence Henrard. Son : Olivier Vandersleyen. Voix : Luna Incolle, Cécilia Marreiros-Marum et Vincent Jamoulle. Production : Atelier de production de la Cambre.

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