Extrait
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La bouche en cœur

Manon Tacconi

2022 - 4 minutes

France - Animation

Production : La Poudrière, École du film d’animation

synopsis

Marseille, plein été. Allongées sur leur serviette, Jess et Alana parlent de la beach party de la veille.

Manon Tacconi

Née en 1998 à Aix-en-Provence, Manon Tacconi est entrée en 2017 à l'EMCA, à Angoulême, où elle réalise ses premiers films, notamment Les ongles rouges, film de fin d'études sélectionné à “Un festival, c'est trop court !”, à Nice.

Elle intègre en 2021 la Poudrière, à Valence, où elle est remarquée avec La bouche en cœur, diffusé sur Arte et projeté dans de nobreux festivals, de Clermont-Ferrand à IndieLisboa, en passant par le Poitiers Film Festival.

Ce film inspire une série produite par Caïman Productions, sur laquelle elle travaille à sa sortie de l'école. Maïté Sonnet en est la coscénariste.

Manon Tacconi écrit en parallèle un nouveau court métrage, Rupture conventionnelle, qui sera produit par Don Quichotte Productions.

Critique

Quatre minutes, c’est parfois amplement suffisant pour tenir un propos. Manon Tacconi le prouve dans ce court métrage d’animation efficace et pertinent. La bouche en cœur, c’est l’histoire de deux copines, Jess et Alana, qui passent une soirée à faire la fête puis débriefent le lendemain. Comme tant d’autres amies avant et après elles. 

L’animation dépeint des filles tout en courbes, les cils et les cheveux longs, des mèches leur tombant sur le visage. Des filles sexy, qui le savent et qui parlent de sexualité en toute décomplexion. C’est important parce que ça ne l’est pas. Les femmes qui assument leur volonté de plaire ne sont pas coupables de leurs agressions. Ces êtres dessinés n’incarnent personne en particulier et peuvent donc être n’importe qui. De la même manière, le dessin permet de planter un décor familier, qui parle à tout le monde. Un dance-floor comme il y en a tant, une plage parmi d’autres. Les deux amies dansent, vont aux toilettes, bronzent le lendemain en parlant de leur soirée. Rien d’inhabituel. Au milieu de tout cela, Alana a été agressée sexuellement par un de leurs “potes”, et Jess a entendu. Tout l’esprit du film rappelle que même cet évènement ne relève pas de l’exception. Alana n’en parle pas, d’ailleurs ; elle ment. Il faut que sa copine insiste avec des questions pour qu’elle admette enfin le fait, sans même le formuler. 

Quatre minutes et on comprend tout : la banalité de l’action, la difficulté d’accepter ce qu’il s’est passé, la position délicate d’une amie qui veut aider mais qui a peur de mal faire. Parfois il suffit de pas grand-chose. Quelques mots pour faire comprendre qu’on est ouvert à la discussion, une épaule pour pleurer. Un silence. Pour laisser se déployer la colère, la tristesse, la frustration de ne pas pouvoir assez aider. La réalisatrice nous laisse sur ce silence, parce qu’il n’y a rien d’autre à dire, rien d’autre à faire que le constat aberrant de la banalité de la violence. 

Anne-Capucine Blot 

Réalisation et scénario : Manon Tacconi. Animation : Manon Tacconi et Nicolas Verdier. Montage : Billie Belin. Son : Clara Ziliox, Miroslav Pilon et Raphaël Pibarot. Musique originale : Flavien Van Haezevelde. Voix : Léna Alibert, Leslie Gruel, Thomas Schneider, Lorca Alonzon, Alex Mouron, Matteo Salanave et Edern Vall Hill. Production : La Poudrière, École du film d'animation.