
Les créatures qui fondent au soleil
Diego Céspedes
2022 - 17 minutes
France, Chili - Fiction
Production : Les Valseurs et Quijote Films
synopsis
Nataly, une femme trans, et sa fille Secreto, rendent visite à Leon, l’ancien amant de Nataly qui vit reclus au sein d’une mystérieuse communauté fuyant le soleil. Ces retrouvailles réveillent chez elle le souvenir d’une relation toxique et abusive.
biographie
Diego Céspedes
Né le 5 janvier 1995 à Santiago, au Chili, Diego Céspedes est un auteur et réalisateur diplômé de l'Universidad de Chile en cinéma et audiovisuel.
En 2018, il écrit et réalise son premier court métrage, L'été du lion électrique, qui remporte le 1er prix de la Cinéfondation au Festival de Cannes et le 1er prix Nest Film Students à San Sebastian. Le suivant, Les créatures qui fondent au soleil, est sélectionné à la Semaine de la critique 2022. Il est coproduit côté français par la société Les Valseurs, également à l'origine de son premier long métrage, Le mystérieux regard du flamant rose.
Ce dernier, tourné lui aussi au Chili, est projeté au Festival de Cannes 2025 dans le cadre de la section Un certain regard.
Critique
Alors que le premier long métrage de Diego Céspedes, Le mystérieux regard du flamant rose, est présenté au Festival de Cannes (à Un certain regard), retour sur son court métrage Les créatures qui fondent au soleil, qui fut présenté à la Semaine de la critique en 2022.
Une fille s’adresse à sa mère : “Maman, après tant d’années, on retourne voir les créatures qui fondent au soleil.” La voix de la petite Secreto accompagne tout le film et ce voyage dans une communauté de noctambules dont la peau fond littéralement au contact des rayons du soleil. Dans cet écrin fantastique, Diego Céspedes, jeune cinéaste chilien âgé d’à peine trente ans, laisse filer plusieurs images et métaphores que le film diffuse plutôt qu’il ne les n’impose, laissant courir notre imagination et les associations vertueuses et fécondes qu’elle entretient avec le réel.
Nataly, la mère, est une femme trans et l’on devine que la malédiction qui touche les personnes de ce petit groupe concorde avec l’exclusion réservée à toutes celles et ceux qui n’entrent pas dans la norme (les marginaux, les personnes queer…). Là encore, le film ne cherche rien à résoudre, comme il ne fait sujet d’aucun de ses faits (la transidentité de Nataly n’est pas discutée), mais il observe plutôt ses personnages vivre. C’est dans cette parenthèse que Nataly retrouve Léon, un ancien amant perdu de vu, mais dont la passion qui les lie semble intacte, insensible au temps qui a passé. Secreto en est la première témoin et accède ainsi à ce à quoi peu d’enfants sont confrontés dans leur vie : le passé de leurs parents. Les créatures qui fondent au soleil épouse alors son regard fragmenté (comme l’est par essence la matière du souvenir) qui comprend vite que derrière ces retrouvailles se cachent une relation d’emprise – l’image romantique et idéalisée se dissout comme une peau de cire au soleil. La très belle idée de Diego Céspedes, outre l’extrême tendresse de son regard posé sur son tandem mère-fille (les saisissantes comédiennes Paula Dinamarca et la toute jeune Rafaella Capote), est de tirer un parti pris de mise en scène de son argument fantastique de départ.
Si la lumière est hostile dans Les créatures qui fondent au soleil et le film plongé dans l’obscurité, c’est peut-être parce que les ombres sont plus riches que la clarté d’une représentation figée. La scène qui ouvre le film ne saurait contredire cette idée : Secreto et Nataly sont face à face. Tour à tour, elles se caressent le visage, fermant les yeux l’une après l’autre. Les doigts parcourent la surface de la peau pour en détailler le moindre aspect, comme pour se rappeler de tout, garder de l’autre un souvenir organique et saisir, en une seule séquence, toute l’étendue d’un lien entre une mère et sa fille.
Marilou Duponchel
Réalisation et scénario : Diego Céspedes. Image : Inti Briones. Montage : Nadia Martínez de Marañón et Jérôme Bréau. Son : Jesus Casanueva, Camilo Jiménez, Christian Cosgrove, Antoine Bertucci et Éric Chevalier. Interprétation : Paula Dinamarca, Rafaella Capote et Daniel Antivilo. Production : Les Valseurs et Quijote Films.