News 07/10/2025

Les 25 ans de l’école de la Poudrière : 5 questions à Annick Teninge

C’est devenu un véritable label d’excellence au sein du paysage du cinéma d’animation français, dont la renommée a largement dépassé les frontières. La Poudrière, école installée à Bourg-lès-Valence, dans la Drôme, a été créée officiellement en 1999 et fête cette année ses 25 ans d’existence. Sa directrice Annick Teninge a, pour l’occasion, répondu à quelques questions.

Alors que La Poudrière fête ses 25 années d’existence, pourriez-vous resituer pour nous le contexte de sa création et les principales étapes de son développement, notamment votre arrivée à sa tête, en 2004 ?

La Poudrière est née en 1999, à l’initiative de Jacques-Rémy Girerd, réalisateur et fondateur du studio Folimage, fort du constat qu’il n’existait pas de formation dédiée à la réalisation de films d’animation, et ce alors que l’animation française s’était hissée au 3e rang mondial. La force de ce projet reposait, et repose toujours sur sa singularité : une formation à destination d’un petit nombre d’étudiants et de professionnels, où l’apprentissage repose sur la transmission directe de savoirs et de compétences par de multiples professionnels ; une formation fondée sur l’adhésion d’un ensemble de partenaires publics et d’acteurs de la filière.

Nourrie de son expérience, l’école a progressivement développé de nouvelles formes d’accompagnement des talents, toujours axées sur des enjeux de réalisation : dès 2009, des stages courts de formation professionnelles sur l’écriture graphique et littéraire ou le storyboard ; en 2015, avec Ciclic Animation, une résidence post-école pour un premier court métrage professionnel ; en 2018, une résidence francophone d’écriture de séries/unitaires TV.

Je suis très admirative de ce qui constitue la Poudrière – une école à la fois professionnalisante, expérimentale et ouverte sur le monde – et je n’ai rien inventé lorsque j’en ai pris la direction. J’ai juste mis à profit mon expérience aux États-Unis, où j’ai eu la chance de côtoyer de grands réalisateurs tels qu’Igor Kovalyov, Koji Yamamura, Phil Mulloy ou Priit Pärn pour les inviter ensuite à la Poudrière !

 


Picore de François Bertin (2002).

Quelle était la philosophie générale des enseignements au sein de l’établissement dans les premières années ? Qu’est-ce qui est resté et qu’est-ce qui a changé ?

Les fondamentaux sont les mêmes depuis 25 ans : former des professionnels sachant raconter, avec leur sensibilité personnelle et leur talent, des histoires originales. La pédagogie repose sur l’intervention de nombreux intervenants professionnels (80 par an) : scénaristes, storyboardeurs, réalisateurs, monteurs, compositeurs, producteurs, diffuseurs…. Au-delà des enjeux artistiques, les étudiants prennent progressivement conscience de toutes les dimensions d’un film d’animation et de la responsabilité du réalisateur en termes financiers et de gestion d’équipe, et vis à vis du public. 

La taille des promotions (une dizaine de personnes) permet un accompagnement personnalisé, et la diversité des profils crée une émulation et une grande richesse culturelle. Le programme repose principalement sur la réalisation personnelle de travaux et exercices dans un cadre donné (format, genre, durée, thème…). Mais un cursus de deux ans permet aussi de laisser une part à l’expérimentation (à l’instar de la réalisation de films crétins !) et à l’ouverture sur la création : ateliers avec des réalisateurs internationaux, sorties hebdomadaires au cinéma ou au théâtre, participation à des festivals…

Le programme évolue par petites touches, notamment avec le renforcement du travail sur l’écriture, qui s’est ouvert aux formats audiovisuels et au public Jeunesse, ou la direction d’acteurs.

Plus prosaïquement, je suis frappée par l’évolution de la culture de l’animation. J’ai eu la chance de découvrir l’animation lorsque j’ai rejoint l’équipe du Festival d’Annecy, qui célébrait alors ses 30 ans avec les plus grands auteurs d’animation. J’ai ainsi pu découvrir des auteurs et des films extraordinaires, qui ont forgé ma culture de l’animation. Aujourd’hui l’animation s’est énormément développée et il n’y a plus de culture commune. Mais quand avec Laurent Pouvaret, directeur des études, on parle aux étudiants de “nos” classiques, bien qu’aujourd’hui ceux-ci soient plus tournés vers la série et le long métrage, ils sont très curieux de découvrir la richesse artistique du court métrage.


L’eau à la bouche de Gabriel Harel (2009).

De quelle façon allez-vous célébrer ce premier quart de siècle d’existence, dans les salles et ailleurs ?

Les films, les salles de cinéma accompagnent toute l’année les étudiants. C’est donc assez naturellement que nous avons eu envie de célébrer nos 25 ans avec des films, dans les salles. Deux programmes inédits de films d’étudiants sortent en salle cet automne à l’occasion de la Fête du cinéma d’animation, en partenariat avec l’Afca et l’Agence du court métrage, parfois accompagnés de rencontres ou tables-rondes Parcours d’auteurs.

Le programme ado-adultes 25 ans, L’air de rien, réunit un florilège de 25 films qui racontent des histoires de gourmandise, d’ennui, de sport, de tuning, d’imposteurs… et de bonheur ! Les 17 films courts du programme Jeune public 25 ans, Lele & Lala, explorent avec humour et poésie les terrains de l’enfance à travers dessins, papier découpé ou peinture animée.

Les festivités démarrent le 12 octobre à la Cinémathèque française avec le programme Jeune public Lele & Lala, accompagné d’une démonstration technique par Janis Aussel (promotion 18). Le programme ado-adultes L’air de rien sera projeté au CNC le 22 octobre, précédé d’une table-ronde “Parcours d’auteurs” avec Lucrèce Andreae (promotion 12), Charlie Belin (promotion 15), Guillaume Lorin (promotion 10) et Benjamin Renner (promotion 7). Le Cinéma Arvor à Rennes accueillera les deux programmes les 25-26 octobre et le Majestic Bastille, à Paris, présentera le 27 octobre L’air de rien, suivi d’un échange.

Et les 25 ans de la Poudrière, c’est aussi sur Brefcinema avec 5 films représentatifs des 25 ans et, en bonus, 10 films d’une minute signés de réalisatrices, le tout à découvrir dès le 8 octobre.


La plongeuse de Iuliia Voitova (2018)

Beaucoup d’élèves ayant fréquenté la Poudrière se sont fait un nom dans le secteur du cinéma d’animation. Quel regard portez-vous sur cette réussite au long cours ?

Ce qui me marque surtout, c’est la pluralité de leurs univers et la diversité de leurs films de fin d’études comme de leurs films professionnels. Les quelque 250 étudiants issus de la Poudrière ont déjà initié et réalisé plus de 400 films, récompensés de nombreux prix, dont 5 César et 2 nominations aux Oscars. Au-delà de ces prestigieuses récompenses et de ces parcours d’auteurs marquants – à l’instar de Benjamin Renner, avec trois longs métrages (Ernest et Célestine, Le grand méchant renard et autres contes et Migration) récompensés de 2 César – c’est la richesse et la diversité de leurs parcours professionnels qui nous réjouit depuis la sortie de la première promotion avec Éric Montchaud, aujourd’hui auteur de cinq courts métrages.

Aujourd’hui, ils sont auteurs et autrices de courts et de longs métrages, mais aussi de séries et unitaires TV, de films de commande, de BD, de livres jeunesse… Un nombre significatif de leurs œuvres est le fruit de collaborations entre ex étudiants et/ou scénaristes, monteurs ou compositeurs rencontrés à l’école. Au-delà de leurs qualités artistiques, c’est peut-être cette capacité à fédérer autour de leurs projets qui fait la force des talents issus de la Poudrière et caractérise leur succès. En tous cas, tous témoignent de la raison d’être de cette école.


Jugement dernier de Clémence Taveau (2024)

Après ce premier quart de siècle d’existence, que peut-on souhaiter à votre établissement, qui est désormais devenu une véritable institution ? 

Depuis vingt-cinq ans, portée par tous ceux qui ont confiance en sa vision, la soutiennent financièrement ou partagent généreusement leur temps et leurs savoirs, la Poudrière fédère une multitude d’énergies, de talents et de créativités. On ne peut que lui souhaiter de continuer à écrire et dessiner son histoire, avec la même exigence, avec les mêmes moyens, et dans cet esprit de compagnonnage qui l’a toujours animée.

L’industrie du cinéma, et de l’animation en particulier, repose sur sa capacité à développer des contenus. L’enjeu premier est bien celui de talents en capacité d’initier puis de porter un projet de film. Mais face aux bouleversements mondiaux, qui bousculent les modèles économiques mais aussi les modes de création, il est plus que jamais nécessaire de défendre l’importance de métiers comme celui d’auteur réalisateur et l’importance d’espaces comme la Poudrière pour pouvoir s’y former pleinement.

Propos recueillis (par mail) par Christophe Chauville

 
Visuel de bandeau : L’air de rien de Cécile Milazzo (2011).

À voir aussi :

 - La bouche en cœur de Manon Tacconi, disponible sur Brefcinema jusqu’au 22 octobre.

À lire aussi :

- Les critiques des films de fin d’études de la Poudrière diffusés par le passé sur Brefcinema : À l’ouest de Jérémie Cousin, À perdre haleine de Léa Krawczyk, Blanquette de Charlie Belin, Clapotis de Mor Israeli,, En avant de Mitchelle Tamariz, Fukushima, cinq ans après d’Ève Ceccarelli, L’immoral d’Ekin Koca, Inès d’Élodie Dermange, Pieds verts d’Elsa Duhamel, Le printemps de Claude de Gaspard Chabaud, Les vacances de la lose de Manon David, La vita nuova d’Arthur Sevestre.

- Sur la Fête du cinéma d’animation 2025.