Cahier critique 31/07/2019

“Clapotis” de Mor Israeli

4 minutes dans le "Grand bain". 

En matière de court métrage, et plus encore dans la riche production des œuvres étudiantes, le “film de piscine” est presque un genre en soi, qui permet d’affirmer un style ou un regard dans l’appropriation que chacun se fait de ce lieu presque banal, de ses symboles et des situations qu’il génère. Dans cette optique, Mor Israeli, alors étudiante à l’école d’animation de La Poudrière, a choisi pour Clapotis, réalisé en 2017, de s’appuyer sur le vécu du spectateur, en recourant principalement à l’esquisse et à la stylisation. Ainsi, la première image – deux barres courbées dans un cadre vide, et une goutte d’eau qui perle – nous ramène instantanément à nos propres souvenirs du lieu. Ce sera le fil rouge du film, qui distille au fil du récit des éléments de décors succincts, et pourtant tout de suite reconnaissables, comme l’angle d’un bassin ou la surface émergée des bouées délimitant les lignes d’eau.

On plonge alors dans cet univers propice aux croquis sur le vif et à l’observation, mi-amusée, mi-poétique, de saynètes minuscules extrêmement familières, dessinées à grands traits noirs sur blanc, avec quelques rares touches de couleurs : un baigneur qui hésite au moment d’entrer dans l’eau, un plongeur qui fait démonstration de son talent, des amies qui papotent en regardant passer les hommes en maillot… En arrière-plan, les gags visuels fourmillent. La réalisatrice joue notamment sur l’échelle de taille des personnages, silhouettes tantôt gigantesques, tantôt minuscules : l’un marche courbé autour du bassin, à la recherche de sa tong perdue, l’autre se dresse de toute sa hauteur au moment de se déshabiller, révélant un bonnet de bain rose sous son chapeau melon, un troisième semble se fondre dans l’eau, son corps épousant la forme la plus aérodynamique possible pour fendre l’élément liquide. Elle s’amuse aussi du geste machinal des nageurs qui remontent plus ou moins discrètement leur maillot, par peur qu’il glisse et révèle leur intimité, ou de la torpeur qui saisit les baigneurs lorsqu’ils s’alanguissent dans le jacuzzi, peu disposés à laisser leur place.

Sous l’eau, l’ambiance semble encore plus irréelle, avec sa tonalité bleutée et ses sons étouffés. On observe, à travers le regard d’un petit garçon dissimulé dans le fond, les bras qui s’agitent, les jambes qui battent, les morceaux de pieds ou de mains qui apparaissent parfois fugacement, comme privés du reste de leur anatomie. La surface apparaît tout à coup comme un monde parallèle et étrange, dont les codes, vus de loin, semblent dépourvus de sens, et presque risibles. Il faut pourtant inéluctablement quitter le refuge sous-marin pour rejoindre la communauté des hommes, et renouer avec leur réalité.

Marie-Pauline Mollaret

Scénario et réalisation : Mor Israeli. Animation : Mor Israeli, Guillaume Bourrachot et Nicolas Rolland. 
Montage : Antoine Rodet. Musique originale : Roméo Monteiro. Production : La Poudrière.