
Musique de chambre
Julia Kowalski
2012 - 22 minutes
France - Fiction
Production : 10:15! Productions
synopsis
C’est l’été. Rose, douze ans, passe ses vacances en colonie musicale. Le jour, elle joue de la flûte traversière au sein d’un orchestre symphonique. La nuit, elle partage sa chambre avec deux violonistes de seize ans, en pleine découverte de leur sexualité. Par procuration, Rose s’ouvre à de nouveaux horizons et s’efforce de sortir de l’enfance.
biographie
Julia Kowalski
Née en 1979, Julia Kowalski est née de parents polonais et a beaucoup interrogé ces origines dans ses différents films, en fiction ou en documentaire. Le milieu ouvrier, l’adolescence, la famille et la sexualité sont ses thèmes de prédilection, depuis son premier film, un court métrage documentaire sur ses grands-parents : Miedzylesie, au milieu des bois (2002).
Sans bruit (2005) et Anton dans l'ombre (2010), entre autres, ont suivi, mais c'est Musique de chambre qui a particulièrement attiré l'attention sur elle en 2012-2013. Le film remporte alors notamment le Prix TV5 Monde et une Mention pour le Prix de la presse à Paris Courts devant, avant de se voir sélectionné à Brest, Clermont-Ferrand, Créteil, IndieLisboa, Mamers, Nice, Tampere, Valence, Vienne, etc.
La réalisatrice passe alors au long métrage, par le biais de Crache cœur, projeté au sein de la programmation de l'ACID au Festival de Cannes 2015 et distingué l'année suivante du Prix du jury jeune au Festival Premiers plans d'Angers.
Son retour au moyen métrage, avec J'ai vu le visage du diable, est également couronné de succès, le film décrochant le Pix Jean-Vigo du court métrage 2023 et le Grand prix national du Festival de Clermont-Ferrand 2024 après avoir connu sa première à la Quinzaine des cinéastes à Cannes.
C'est dans la même section que son deuxième long métrage, Que ma volonté soit faite, qui s'inscrit à son tour dans le registre du fantastique, est sélectionné en 2025.
Critique
Un premier plan étonnant, dérangeant, flou. Un jeune garçon à la respiration saccadée. Pendant quelques secondes, le spectateur s’interroge : que peut-il bien être en train de faire ? Est-il en train de faire ce que je crois, mais que je n’ose pas avouer ? Non, il joue simplement du violoncelle. Le décor est planté. De la musique, du sexe, des adolescents. Dans Musique de chambre, Julia Kowalski met en scène un groupe d’enfants et d’adolescents en colonie de musique. Très rapidement, des liens se dessinent entre des personnages : attirance, séduction, fascination, mais aussi haine et rivalité. Deux univers se confrontent : l’univers social des répétitions, des excursions, où garçons et filles se mêlent, et le huis clos d’une chambre où cohabitent deux fillettes de douze ans et deux adolescentes de seize ans.
C’est dans l’intimité de cette chambre que tout se passe. Le tsunami dans un verre d’eau. Cette chambre, règne de la féminité, lieu de toutes les confidences, devient le centre de cette colonie de vacances. Le lieu de tous les possibles, de toutes les découvertes aussi pour Rose, jeune flûtiste de douze ans. Tout se passe à travers son regard, tous les événements et tous les personnages gravitent autour d’elle. Il est alors aisé de voir en elle une sorte de double de la réalisatrice, Julia Kowalski, qui a elle-même longtemps joué de la flûte traversière et est également partie, enfant, dans ce genre de colonie de vacances. Jolie petite blonde aux yeux bleus, Rose découvre au contact des deux “grandes” qui partagent sa chambre un univers qui lui était jusqu’alors inconnu : les rapports entre garçons et filles. Rose se fait d’abord simple témoin des conversations de ses deux aînées, qui évidemment, tournent autour du sexe. Puis elle entre dans une phase d’imitation, elle “joue” à faire la grande ; elle essaie un soutien-gorge, vole un comprimé de pilule – comme une enfant qui jouerait avec le rouge à lèvres, les perles et les chaussures à talons de sa mère. L’ensemble aurait pu rester tendre et bon enfant, c’était sans compter sur l’une des dernières séquences du film qui offre brutalement une vision crue et quasiment violente de cet étrange moment qu’est le passage de l’enfance à l’adolescence pour une petite fille.
Cécile Guthleben
Texte paru dans Bref n°107, 2013.
Réalisation et scénario : Julia Kowalski. Image : Simon Beaufils. Montage : Florence Bresson. Son : Philippe Deschamps. Musique originale : Dasz Kowalski. Interprétation : Louise Gouverneur, Clémentine Billy, Éva Baranes, Hildegarde Fesneau, Matthieu Maytraud et Sinouhé Gilot. Production : 10:15! Productions.