En salles 12/05/2022

Une plongée brutale dans un Été nucléaire

Ce long métrage de fiction signé Gaël Lépingle, qui met en scène un grave incident dans une centrale de la campagne française, a déboulé dans les salles de cinéma cette semaine, en pleine période de sorties pré-cannoises.

Juste avant que les regards se tournent vers la Croisette, pour ce rendez-vous annuel du cinéma qui monopolisera l’attention, Le Pacte a lancé dans les salles un film aux résonances particulières avec le contexte politique, où les thèmes de l’environnement et de l’énergie se trouvent finalement trop peu présents : L’été nucléaire. Il s’agit du premier long métrage de Gaël Lépingle à sortir, puisque celui-ci a signé un peu auparavant Seuls les pirates, remarqué dans plusieurs festivals, dont le FID à Marseille (Grand prix de la compétition française en 2018), mais qui n’est pas encore sorti (ce devrait toutefois être le cas prochainement…). Et il y a même eu un film, documentaire celui-là, d’une durée de 80 minutes et jamais distribué en salles non plus, en 2010 : Julien.

L’été nucléaire développe un argument narratif des plus plausibles, malheureusement : un incident dans une centrale française – elle est du reste, dans un souci de réalisme, clairement nommée, à travers celle de Nogent-sur-Seine, à la lisière de l’Aube. Immédiatement, les sirènes, la panique, la fuite des populations riveraines, en Champagne et en Bourgogne voisine notamment, où un groupe de jeunes adultes se voit piégé et contraint de se réfugier dans une ferme délaissée par ses occupants. À la stupéfaction succède les questions existentielles, dans ce huis clos où la vie normale s’est arrêtée, en un reflet troublant de la récente pandémie de Covid-19 et des confinements imposés, autre menace de ces temps jouant avec les périls environnementaux en toute désinvolture.

Le suspense de cette narration touchant à la fois au teen-movie et au film-catastrophe au tient d’abord sur une solidité de mise en scène et de direction des jeunes interprètes, sur un budget réduit peu commode pour la seconde inclinaison, en tablant du coup sur une absence assumée de spectacularisme.

Ce film peut étonner dans le parcours de Gaël Lépingle, désormais quinquagénaire et qu’on avait découvert pour la première fois à la fin des années 1990, à travers Clémentine a eu peur, un film qui pourrait difficilement être entrepris aujourd’hui, abordant un motif devenu périlleux (certains désirs d’une toute jeune fille et de possibles relations non consenties avec un garçon plus vieux). Depuis, il y a notamment eu ce moyen métrage autour de la figure, tutélaire et culte pour tout un cercle de cinéastes de cette génération, de Guy Gilles (Guy Gilles et le temps désaccordé, 2008) et deux films en lien avec la musique : Une jolie vallée, moyen métrage documentaire sorti en salles en 2015, et surtout une comédie musicale affirmée, La nuit tombée (2014), déjà apprécié sur Brefcinema.

Tous ont posé une sensibilité artistique qui s’est à nouveau affirmée récemment sur le format court, avec Youcef (2021), encore peu diffusé et qui suit, sur un scénario coécrit avec Michaël Dacheux, une troupe de travestis se préparant à donner son spectacle dans une petite ville de province. L’étude des liens au sein du groupe est saillante, reflet de celle des confinés de L’été nucléaire, où amitié et désirs sont susceptibles de s’exacerber, alors que les lendemains deviennent incertains. Un motif contemporain s’il en est…

Christophe Chauville

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