Nos soirées 24/03/2025

“Déjà demain” au cœur de l’intime

Toujours la crème de la crème aux soirées “Déjà demain” avec, le lundi 7 avril à 20h, quatre remarquables courts métrages récents entrant dans l’intimité d’individus ou d’histoires familiales, en fiction, animation ou docu-fiction. Rendez-vous au MK2 Odéon, côté Saint-Michel, en présence de plusieurs cinéastes.

Tout commencera, pour cette nouvelle livrée de Déjà demain, par un trajet nocturne en bus, transportant une toute jeune fille, Ennie. Elle en descend et erre un peu dans la ville ; on a un petit peu peur pour elle, tout comme le premier bistrotier chez qui elle s’arrête et qui, bienveillant, lui conseille de faire attention à elle. “Vous aussi…”, répond ingénument l’ado, comme inconsciente de ce que le gars veut dire… Oh Maybe Not Tonight (photo de bandeau) est un film inscrit dans l’ère #MeToo, qui pose les questions liées au consentement, mais en les brouillant, sinon en les renversant, alors qu’Ennie croise un drôle de type de son âge, ou à peine plus âgé, Sirious – on note les sonorités rimant avec le mot “serious”, assez ironiquement…

Un film d’atmosphère aussi, le long d’highways stylisées, presque rêvées, de l’Amérique vue comme un espace cinématographique à la fois abstrait et pourtant enraciné dans la réalité, avec les beautés liées à la jeunesse et ses dangers dans le même énergique mouvement. Kim Fino, qui a étudié à Québec et qui est passée par la cinéFabrique, convainc dès ce premier film, auto-produit et primé au dernier Festival de Clermont-Ferrand.

Également passés par l’Auvergne au mois de février dernier, Entre les jours de Martin Bonnin (visuel ci-dessus) et Les dernières neiges de Sarah Henochsberg (photo ci-dessus) seront également au programme de cette stimulante soirée d’avril. Le premier, réalisé à La Poudrière, offre une belle densité narrative en seulement quatre minutes : un coup de fil, une nouvelle aussi tragique qu’inattendue, le monde autour qui vacille et la promesse de se revoir vite, pour profiter des vivants tant qu’il est temps, entre Clément et Tessa.

Le second est signé d’une jeune actrice remarquée en 2018 dans le long métrage C’est ça l’amour de Claire Burger et revue depuis dans un court métrage actuellement visible sur Brefcinema : Les mains sales d’Hélène Rosselet-Ruiz.

Pour ses débuts de réalisatrice, Sarah Henochsberg filme avec beaucoup de sensibilité les dernières vacances aux sports d’hiver d’une famille, tandis que le spectre de la séparation des parents se précise. Un hiver de porcelaine vu et éprouvé à hauteur d’enfant, qui rappelle ce qu’Emmanuel Laborie avait entrepris, côté estival, dans Océan (2013).

Un couple désuni, c’est aussi ce qui, dans l’histoire familiale de Rémi Brachet, a resurgi pour lui inspirer son film Chère Louise (photo ci-dessous), mais sur la base d’une tragédie : en 1949, son arrière-grand-père Félix, condamné par la maladie, a tué son épouse Louise, l’arrière-grand-mère du cinéaste, parce qu’elle lui était infidèle. Un secret de famille le plus souvent camouflé au sein des générations suivantes, mais que Brachet, aujourd’hui, explore en mêlant postulat documentaire et fiction, imaginant la vie qu’aurait eu Louise si elle avait vécu, sous les traits d’une Ariane Ascaride une fois de plus virtuose, qui jouit de vacances en Italie, à soixante-dix ans, soit deux décennies après le terrible crime survenu dans la réalité.

 

Un bel hommage à son aïeule et un cri d’effroi suspendu devant les violences faites aux femmes, qui ne datent pas d’hier et se poursuivent malheureusement… Ue œuvre originale et forte, baignée par la lumière dorée de la chef-opératrice Pauline Doméjean et les notes envoûtantes de la version italienne du fameux The Days of Pearly Spencer (soit Il volto della vita, par Caterina Caselli).

Christophe Chauville

À lire aussi :

- Le palmarès du Festival de Clermont-Ferrand 2025.

- Chère Louise, passé par le Festival Tous Courts d’Aix-en-Provence 2024.