En salles 09/03/2023

Lointaine Andromède : l’après-midi d’un faune

Le Saint-André des Arts, salle fidèle au cinéma de Damien Faure dont elle programme les documentaires depuis plusieurs années, présentera à partir du 15 mars son dernier film, Lointaine Andromède, dont la durée – tout juste une heure – le situe à la frontière du moyen et du long métrage.

C’est l’été, Damien Faure et sa famille partent en vacances à la campagne… Si la trame est mince, elle est l’écrin propice au déploiement de rêveries métaphysiques, de promenades dans les bois, de tours de magie et de joyeuses réunions familiales. Cette autofiction est une tentative d’exorcisme de la crise existentielle que traverse le réalisateur et qu’il tente de conjurer devant le caveau familial où est enterrée sa mère. Son angoisse et son hypocondrie ne perturbent nullement son entourage, qui semble ne pas s’en apercevoir. Seule sa fille, Louise, qui s’ennuie ferme et dont les nombreux commentaires en voix off ponctuent les images, s’inquiète du mal-être de son père.

Les scènes s’enchaînent au fil des jours et au gré des caprices du réalisateur. Même si ce dernier se sent au bout du rouleau, il n’en demeure pas moins plein de fantaisie. Comme il l’explique, il s’est interdit d’écrire un scénario. Ce sont les micro-événements de chaque journée qu’il s’est donné comme contrainte de filmer et une idée en entraînant une autre, un fil conducteur, ou plutôt plusieurs se mélangent et structurent son projet.

Que ce soient les étoiles qu’il observe dans le ciel avec sa lunette astronomique pour oublier sa pesante vie terrestre, la recherche d’un bout d’une météorite tombée dans les parages, sa relecture du mythe d’Andromède, ou plus prosaïquement les repas en famille dans le jardin dont les conversations à bâtons rompues sont cocasses, comme les deux trois tours de magie qu’il impose à sa fille pour lui arracher un sourire, tout finit par trouver sa place dans ce format 4/3 carré qui évoque ici le chapeau du magicien d’où en sortent des prodiges. Et les larges bords noirs renforcent la présence du hors champ où la vie s’écoule, indifférente aux préoccupations intimes du cinéaste.

Avec son béret rivé sur la tête, on le suit dans ses différentes activités et notamment sa quête d’un bout de la météorite d’Andromède qu’il trouve lors de ses promenades dans les monts du Forez, au détour d’une coulée de lave qui donne un aspect lunaire au paysage.

Malgré son air impassible de clown triste qu’il trimballe à chaque plan où il apparaît, le réalisateur reste toujours inventif et garde son humour. Le surnaturel n’est jamais loin, surtout lorsqu’il finit par découvrir la météorite, objet aux pouvoirs magiques, capable de sortilèges.

Les trucages, le bricolage poétique, l’utilisation du format carré, le soin apporté au cadre et la présence majestueuse de la nature ramènent l’acteur réalisateur à l’enfance du cinéma, avant qu’il ne se mue lui-même en super héros et qu’il ne disparaisse définitivement pour terrasser le dragon. Cette disparition peut se comprendre comme l’ultime geste d’attention d’un père pour sa fille, qui libérée de celui-ci peut pleinement découvrir, selon l’adage de Platon : “Ce monde, qui est le plus grand, le plus beau, le meilleur et le plus parfait…”.

Hélène Joly


Lointaine Andromède (2022), en exclusivité au Cinéma Le Saint-André des Arts à Paris, chaque jour à 13h à partir du 15 mars.

À lire aussi :

- Une séance “Passage du court au long” au Saint-André des Arts, le vendredi 17 mars à 20h.

- Une autre exclu du SADA en 2022 : Belladones de Sophie Tavert Macian.