En salles 20/07/2022

Le passage à l’acte de Noémie Merlant

De plus en plus présente à l’écran – on l’attend notamment dans L’innocent de Louis Garrel et Les pieds sur terre d’André Téchiné –, Noémie Merlant voit enfin son premier long métrage comme réalisatrice, tourné en 2019, gagner le chemin des salles. Mi iubita mon amour est à découvrir à partir de ce mercredi 27 juillet.

Noémie Merlant a toujours eu envie de raconter des histoires, mais le cheminement vers la réalisation s’est fait progressivement, en parallèle de son parcours de mannequin, puis d’apprentie comédienne, puis d’actrice. Devenue au fil des ans une interprète saluée pour ses compositions sensibles et magnétiques chez Jacques Richard (L’orpheline avec en plus un bras en moins), Nathan Ambrosioni (Les drapeaux de papier), Marie-Castille Mention-Schaar (Les héritiers, Le ciel attendra, A Good Man), Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu) et Jacques Audiard (Les Olympiades), elle a sauté sur l’occasion de l’appel à projets du Nikon Film Festival pour passer à l’acte de la mise en scène. C’était pour Je suis #unebiche, présenté en 2017 et récipiendaire du Prix Canal+ dudit festival.

Fantaisie, blague et jeu de séduction et d’image de soi sur la vague des réseaux sociaux, dans ce miroir contemporain incarné par son amie Sanda Condreanu. Le pied à l’étrier a fonctionné et la nouvelle réalisatrice s’est attelée ensuite à l’aventure Shakira, quand la vie réelle l’a mise sur le chemin d’une famille rom à Paris. Elle s’est lancée avec eux dans une fiction courte, récompensée en 2020 au FIFIB de Bordeaux, dont Catalina Danca et Gimi Covaci sont les héros. C’est avec ce dernier, jeune garçon aux envies de jeu, d’écriture et de réalisation, qu’elle a alors prolongé le geste de leur court pour un premier long métrage, qu’ils ont coécrit et co-interprété, et qu’elle a mis en scène.



L’esprit à l’arrache et familial a guidé les pas de ce passage vers Mi iubita mon amour, révélé en séance spéciale de la sélection officielle du 74e Festival de Cannes en juillet 2021, et en salle un an plus tard. Tout comme Je suis #unebiche est né d’un geste rapide et d’une économie rudimentaire en autoproduction, ce premier long a vu le jour progressivement, au fil du voyage - tournage entrepris par Noémie Merlant et ses amies Sanda Condreanu, Clara Lama-Schmit et Alexia Lefaix en Roumanie.

Accompagnées uniquement par des cheffes de poste juniores, la directrice de la photographie Evgenia Alexandrova (Fémis) et l’ingénieure du son Armance Durix (Insas), elles ont été accueillies sur place par Gimi et sa famille, dans leur maison. Dans un équilibre de débrouille et d’improvisation quotidienne, avec les moyens humains et matériels, et d’ambiance collective, l’histoire du quatuor féminin en mode enterrement de vie de jeune fille a débouché sur la rencontre avec Nino (Gimi Covaci), et sa naissance du désir. Comme dans Shakira, le temps du récit est aussi celui de l’articulation de deux énergies et d’une attraction. Une fille, un garçon, des regards, des interrogations. Deux planètes s’aimantent dans un climat inédit, loin de l’angélisme urbain et des voies toutes tracées du romantisme.



La naissance de ce premier long correspond à une envie et à une expérience collective, encouragées par le vécu sur les courts précédents, et par l’émulation et l’aide transmise par des aînées cinéastes : Céline Sciamma, Marie-Castille Mention Schaar, Emmanuelle Bercot. Noémie Merlant nous déclarait, il y a un an et demi : “Je pense que je placerai toujours mes projets d’actrice en priorité, parce que je n’ai pas envie de passer à côté d’un rôle, d’un film ou d’un réalisateur qui me plaît énormément. Et puis je ne sais pas si j’aurai toujours quelque chose à dire en tant que réalisatrice.” Mais elle a trouvé sa route ici, dans la jungle de l’autofinancement, puis de la conviction envers un producteur qui a aidé à finaliser la postproduction de Mi iubita mon amour : Pierre Guyard de Nord-Ouest Films. Grand bien leur en a fait, car l’aventure a valu à Armance Durix le prix CST de la jeune technicienne au Festival de Cannes l’an dernier, et a décroché le Lumière d’or du Festival de La Ciotat en juin. Elle rejoindra les écrans de l’Hexagone ce 27 juillet. Un peu de fraîcheur dans la grosse chaleur de l’été.

Olivier Pélisson


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- Un entretien avec Noémie Merlant, marraine de la Fête du court métrage 2021.

- Deux autres sorties de juillet 2022, dont To Kill the Beast