En salles 15/07/2022

Deux étranges histoires de l’Argentine profonde

Hasard du calendrier des sorties, deux longs métrages argentins sont à l’affiche cette semaine, dont le premier d’Agustina San Martín.

Monstruo Dios avait reçu en 2019 la mention spéciale de la compétition des courts métrages du Festival de Cannes et sa réalisatrice Agustina San Martín, née en 1991 à Buenos Aires, revient cette fois avec son premier long, A matar la bestiaTo Kill the Beast selon son titre international (photo de bandeau). Elle nous plonge pour l’occasion dans la fascinante, sinon inquiétante zone amazonienne de la frontière séparant Argentine et Brésil, où la jeune Emilia, dix-sept ans, débarque, s’installant dans la pension, plutôt peu fréquentée, de sa tante Iñes, dans l’espir de retrouver son frère soudainement sorti des radars.

Avec une mise en scène impeccablement maîtrisée et des cadres très soignés, la jeune cinéaste se livre au récit d’apprentissage attendu, entre le fameux fantastique sud-américain (le film est une coproduction entre Argentine, Chili et Brésil), qui prend la forme d’une créature (fantasmatique ?) hantant les forêts qui encerclent les lieux, et l’éveil à la sexualité, tandis qu’arrive à l’hôtel une mystérieuse inconnue au regard de braise, Julieth. 

Dans une atmosphère de chaleur tropicale faisant coller les vêtements à la peau, Emilia sort de sa chrysalide et parvient à l’âge adulte de façon décisive. Saluons à ce propos la prestation plus que convaincante de la jeune Tamara Rocca, parfaite débutante.

Sur un scénario au postulat très différent, des éléments fantastiques, sinon magiques, s’invitent aussi au cœur de la chronique villageoise posée par Jesús López, de Maximilano Schonfeld (qui n’est pour sa part pas un premier long, étant signé d’un cinéaste ayant lui aussi débuté dans le court, dans les années 2000). Le titre de ce film primé au festival latino de Biarritz l’an passé désigne directement un personnage décédé dans un accident et dont le jeune cousin Abel se rapproche de façon irrémédiable, en emménageant dans sa famille, en portant ses vêtements et en prenant sa suite dans les courses de sports mécaniques qui le mobilisaient.

Le mimétisme devient une transformation littérale, sous les yeux des proches du défunt, ses amis et son ex-fiancée, avec une sorte de vertige qui saisit également le spectateur. Là aussi, le lieu, insolite, dans les tréfonds de l’Argentine rurale, constitue un décor propice à troubler les sens et mettre à mal la rationalité.

Christophe Chauville

À lire aussi :

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