En salles 05/07/2021

La fête continue dans les cinémas !

La Fête du cinéma est officiellement finie, mais elle se poursuit, en un sens, à la faveur de nombreux films qu’il est fort tentant de voir en salle au long du mois de juillet qui s’ouvre…

Depuis quelques semaines, c’est un vrai déferlement de sorties en lien avec le jeune cinéma français, le plus souvent par le biais de premiers longs métrages de cinéastes passé(e)s par le format court. Ce rythme soutenu du calendrier des distributeurs nous ferait presque oublier de consacrer nos fameux textes “du court au long” à ce flot de nouveautés, mais il n’est pas trop tard pour en rattraper quelques-unes en ce début d’été à la maussade météo.

Le Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (sorti depuis le 23 juin, photo de bandeau) s’avance au premier rang, développant en long le premier court métrage du duo (Gagarine aussi, à voir sur Brefcinema), avec son jeune héros Youri, passionné par l’espace et habitant la fameuse Cité Gagarine d’Ivry-sur-Seine, inaugurée au début des années 1960 par le légendaire cosmonaute soviétique et finalement détruite en 2019. Un film touchant, sincère et inventif, qui s’inscrit dans le travail des réalisateurs de montrer un autre visage à l’écran de la banlieue. C’était aussi le cas dans La République des enchanteurs et du coloré Chien bleu, double preuve que les sentiments positifs peuvent aussi parfois produire des œuvres intéressantes, le terme de “feel good movie” étant à avancer grâce à eux sans le moindre soupçon de dédain. 

Ibrahim de Samir Guesmi (sur les écrans depuis le 23 juin également, photo ci-dessus) entérine le passage du court au long de son auteur à une douzaine d’années d’intervalle, puisque C’est dimanche ! avait enchanté nombre de festivals en 2009. On peut voir ce court marquant sur notre plateforme et Guesmi en creuse les thèmes majeurs, en jouant cette fois lui-même le père du jeune Ibrahim, ado plus âgé qu’initialement, et rend hommage à toute une génération de l’immigration, toute dévouée à la valeur du travail, de l’effort, et accrochée à l’espoir de vie meilleure pour ses enfants. De la tendresse, de l’humour, une certaine mélancolie aussi, à l’image du bonhomme, que l’on affectionne depuis un quart de siècle en tant que comédien, toujours excellent.

Dans un registre différent, une autre personnalité très appréciée à Bref est revenue dans l’actualité, de façon un peu inattendue, à savoir Olivier Peyon, qui revisite avec Tokyo Shaking (photo ci-dessus) la catastrophe de Fukushima. Là, ce n’est pas un premier, mais un troisième long, de la part d’un créateur toujours délicat et nuancé, observateur hors pair des vicissitudes de l’âme humaine. Plusieurs courts métrages déjà proposés sur notre plateforme s’en firent les témoins idéaux, dont le sublime À tes amours.

Même profil pour Pierre Pinaud, dont La fine fleur (photo ci-dessus) est sur les écrans depuis le 30 juin. Le réalisateur des Miettes (César du meilleur court métrage en 2009) y dirige l’une des comédiennes les plus populaires du cinéma français, Catherine Frot, après avoir travaillé avec Karin Viard – qui tient du reste le rôle principal du pré-cité Tokyo Shaking – dans son premier long, Parlez-moi de vous, en 2012.

Parmi les sorties du dernier jour de juin, le Teddy des frères Boukherma a déboulé avec une réputation à double tranchant de film-de-genre-à-la-française, et évite le récif en proposant une tonalité insolite et couronnant de succès ce projet casse-gueule, dans la lignée de courts métrages aussi étonnants que Perrault, La Fontaine, mon cul ! (à voir en ligne sur Brefcinema) et du premier long Willy Ier, coréalisé avec d’autres camarades de jeu.

Hybride, mais d’une toute autre manière, apparaît le film très personnel de Chloé Mazlo Sous le ciel d’Alice, estampillé Semaine de la critique 2020 et qui exhale enfin tout son parfum mélancolique, replongeant dans l’histoire de la famille de la réalisatrice et celle de la terre bénie où elle vivait, le Liban. L’intrusion de séquences d’animation donne une dimension supplémentaire à certaines scènes – notamment en rapport avec la guerre civile ayant embrasé le pays – et l’on retrouve toute la démiurgique maestria de celle qui nous enchante depuis une quinzaine d’années. De son épatant Deyrouth au plus récent et merveilleux Asmahan la diva (à savourer toutes affaires cessantes !), en passant par le césarisé Les petits cailloux, à l’inspiration et aux résonances elles aussi très intimes.

Les (jeunes) femmes sont à l’honneur également grâce à Anna Cazenave-Cambet, dont l’ambitieux De l’or pour les chiens (photo ci-dessus) avait lui aussi reçu le sceau de la Semaine, sortant juste avant la nouvelle édition du festival de Cannes et permettant de suivre l’itinéraire d’Esther, une très jeune fille passant de la passion amoureuse à la déception absolue, avant de tutoyer une voie spirituelle inattendue et de se diriger autrement vers sa vie d’adulte. Il y a du Bruno Dumont première époque dans ce cinéma-là, exigeant et sensuel à la fois, porté par une débutante assez époustouflante, mélange de force et de vulnérabilité : Tallulah Cassavetti. De quoi confirmer les promesses nées notamment du film d’école de la Fémis Gabber Lover, qui est aussi à découvrir chez nous…

Bien mieux qu’un catalogue de titres, ce florilège estival n’est pas terminé et se poursuivra même sur la semaine du 14 juillet, au gré d’autres nouveautés à suivre de près : nous y reviendrons sans faute.

Christophe Chauville

À lire aussi :

- Autour de La nuée de Just Philippot, sorti le 16 juin 2021.

- Autour de Vaurien de Peter Dourountzis, sorti le 9 juin 2021.