L’âme idéale d’Alice Vial : l’amour au-delà de la mort…
Gagnante du César 2018 du meilleur film de court métrage pour Les Bigorneaux, Alice Vial signe son premier long métrage, à découvrir au cinéma cette semaine. “Romcom” teintée de fantastique, L’âme idéale est porté par Jonathan Cohen et la Québécoise Magalie Lépine-Blondeau.
Après le succès des Bigorneaux, dont la belle carrière a été couronnée du César du meilleur film de court métrage en 2018, sa réalisatrice Alice Vial aurait tout à fait pu creuser le sillon en travaillant sur une version longue du film, c’eût été concevable, tant la matière était là. Elle a choisi de prendre son temps et écrit un premier long sans rapport avec ce court pourtant mémorable (toujours disponible sur Brefcinema), voyant en cette fin 2025 sortir au cinéma L’âme idéale, qui investit le registre de la comédie romantique, en évitant soigneusement certains clichés qui y sont afférents.

D’abord, le film s’éloigne au maximum d’un décor de carte postale – parisien ou autre – puisqu’elle a tourné au Havre, cette cité maritime aux lignes géométriques pas forcément liée à une quelconque dimension glamour et pourtant hautement cinégénique (Selon Joy, premier long de Camille Lugan, qui sortira le 24 décembre, y est également tourné). Puis en convoquant des éléments empruntés au cinéma fantastique, ce qui oriente toute la narration du film : Elsa, à la quarantaine, a renoncé à se consacrer à quelque histoire d’amour que ce soit, mais rencontre par hasard un inconnu drôle et plein de charme, Oscar, dans les circonstances saugrenues d’un accrochage dans une rue du centre-ville. Après une soirée et une nuit de rêve passées avec lui, Elsa s’aperçoit qu’Oscar a en réalité été tué dans l’accident… Précisons qu’elle a ce don, hérité de sa mère, de voir littéralement les défunts et de pouvoir converser avec eux. Avec la possibilité de les aider à passer dans l’au-delà, ce qu’elle refusera évidemment d’envisager avec cette “âme idéale” ayant déboulé ainsi dans sa vie.

Toute parenté avec le cultissime Ghost de Jerry Zucker (1990) n’est pas fortuite, même si bien d’autres films ont joué sur une tonalité sentimentale avec le motif du fantôme, depuis L’aventure de madame Muir de Joseph L. Mankiewicz (1947). Enlevé et finalement émouvant dans sa manière d’interroger la relation de couple, sur un schéma ici très particulier, L’âme idéale est d’abord et avant tout porté par un duo aussi séduisant qu’épatant, composé de Jonathan Cohen et de la comédienne québécoise Magalie Lépine-Blondeau – que les abonné(e)s avaient pu apprécier dans un court métrage de Monia Chokri : Quelqu’un d’extraordinaire (2013).

Cette impeccable direction d’acteur/actrice fait directement écho à celle des Bigorneaux, où Philippe Rebbot et Tiphaine Daviot composait un tandem père/fille particulièrement complémentaire et faisant des étincelles, alors que la seconde était elle aussi confrontée à un phénomène étrange – et difficile à gérer –, à savoir le diagnostic d’une ménopause très prématurée pour une jeune femme de trente ans.
En tant que réalisatrice, Alice Vial avait auparavant signé plusieurs autres courts métrages lorgnant possiblement vers des univers décalés, sinon bizarres, comme avec L’homme qui en connaissait un rayon (2013). Elle avait aussi touché à la chronique d’une enfance chaotique à travers Gueule de loup (2014), dont la jeune héroïne portait en permanence un gant en forme de marionnette de loup comme pansement réconfortant face aux trop fréquentes absences de sa mère (jouée par Nina Meurisse). Un conte initiatique qui résonne finalement en un sens avec le grand pas franchi par l’Elsa de L’âme idéale au terme de son étrange aventure, où ce grand et inattendu amour aura sorti la grand-voile et glissé sous le vent, pour faire un écho direct à une séquence-clé de karaoké au milieu du film, elle aussi plutôt réussie.

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