
2017 - 25 minutes
France - Fiction
Production : Les Films du Cygne
synopsis
Zoé, trente ans, travaille au bar Les Bigorneaux avec son père, Guy. Tantôt serveuse, barman, patronne, elle s’épuise à tout prendre en charge, épaulant Guy depuis la mort prématurée de sa mère. Un matin, Zoé se met à souffrir de vertiges et de nausées qui perturbent son quotidien. Elle craint d’être tombée enceinte, mais sa gynéco lui apprend qu’elle souffre d’un tout autre mal.
biographie
Alice Vial
Alice Vial est née le 15 juillet 1986 à Paris. Son père, dessinateur de presse, et sa mère, auteure et journaliste, l’ont toujours encouragée à s'engager sur une voie artistique.
Elle s’est tournée en premier lieu vers le théâtre, les castings et l'activité de comédienne. Puis l’envie de faire des films étant trop forte, elle a écrit et réalisé quatre courts métrages : L'homme qui en connaissait un rayon (2013), Gueule de loup (2014), French it up ! (2014, en coréalisation avec Sabrina B. Karine) et Les bigorneaux (2017), qui a rencontré un ample succès et décroché le César 2018 du meilleur court métrage.
En tant que scénariste, elle a co-écrit Les innocentes, réalisé par Anne Fontaine en 2016. Le film a été sélectionné à Sundance et a reçu une nomination aux César 2017, dans la catégorie du meilleur scénario. Elle fait également partie des créateurs de la série web Loulou, pour Arte Créative, primée à Série Mania et dans laquelle elle apparaît, aux côtés de Louise Massin. Elle a aussi écrit deux épisodes de la série Femmes, créée par des membres de son collectif d'autrices, la “Mafia Princesse”. On la retrouve également au sein du collectif de scénaristes “Les indélébiles”.
En 2022, Alice Vial a été coscénariste et réalisatrice des 10 épisodes de la série Septième ciel, diffusée l'année suivante sur OCS. Elle développe en parallèle son premier long métrage, inspiré des Bigorneaux.
Critique
César du meilleur court métrage en 2018, Les bigorneaux est un film précis, à la construction millimétrée et qui, sous couvert de comédie, aborde le sujet grave et rare de la ménopause précoce. Ce faisant, et tout en prenant à bras le corps cette pathologie méconnue, il brosse surtout avec une immense pudeur le portrait ténu d’une relation père/fille faite de non-dits et de plaies encore douloureuses.
Dans le très beau cadre de Brignogan-Plages, en Bretagne, qui est à l’origine du désir de la réalisatrice Alice Vial de tourner le film, se dresse un petit café typique, où l’on mange des tartines de coquillages en regardant la mer, sous un ciel aux impressionnants camaïeux de gris. Là, Zoé travaille derrière le bar avec son père. La première scène du film la montre au réveil, cadrée en très gros plan, le visage et le corps en sueur. Plus tard, on la voit prise de nausées, puis vomissant devant le paysage que viennent admirer les touristes. Alice Vial joue sur les habitudes du spectateur et l’amène sur la fausse piste d’une grossesse imprévue, puis déjoue ses attentes avec la révélation du syndrome qui la touche.
Ces mouvements de balancier, entre la situation convenue et son dénouement, entre l’humour des dialogues et la tristesse qu’ils dissimulent, entre les tonalités tour à tour désespérées et joliment décalées de l’intrigue, sont la grande réussite du film. On sourit beaucoup devant les répliques au cordeau lancées avec un débit de mitraillette par la merveilleuse Tiphaine Daviot, ou face à l’air égaré de Philippe Rebbot, que l’on sent perpétuellement dépassé par les événements. Et en même temps, on est ému par le drame intime que traverse la jeune femme, que la réalisatrice nous décrit par le menu : les bouffées de chaleur, l’arthrose, et surtout ce sentiment d’un vieillissement prématuré, d’une “expiration avant terme”, à l’injustice flagrante.
Il est rare que le cinéma s’empare de ce type de sujets, mais Alice Vial le fait avec un mélange de retenue et d’autodérision qui empêche le film de n’être qu’un “film à sujet”. Au contraire, traitée en tant que telle, la ménopause précoce devient aussi le déclencheur, pour le personnage, d’une prise de conscience personnelle. C’est là que se noue cette relation familiale si complexe avec un père que l’on sent trop présent, et en même temps à distance, et le spectre d’une mère disparue trop tôt. Alice Vial ne fait pas vibrer la corde sensible pour le plaisir, mais offre à son personnage un cadre sensible dans lequel évoluer, exister, puis d’où chercher à s’échapper. Elle réalise ainsi un film doux amer sur la nécessité pour tout le monde de prendre, tôt ou tard, son envol.
Marie-Pauline Mollaret
Réalisation et scénario : Alice Vial. Image : Brice Pancot. Montage : Nicolas Sarkissian. Son : Sylvain Rety et Pierre-Albert Vivet. Musique originale : Pierre-Antoine Durand. Interprétation : Tiphaine Daviot, Rébecca Finet, Anouchka Csernakova, Lety Pardalis, Olivier De Narnaud, Gérard Bohanne, Thierry Machard et Philippe Rebbot. Production : Les Films du Cygne.