En salles 21/05/2025

Ollie, premier long d’Antoine Besse : skate toujours !

Dix ans après Le skate moderne, Antoine Besse retrouve à la fois la glissante discipline et la Dordogne pour son premier long métrage, Ollie, en salles à partir de ce mercredi 21 mai sous l’étendard de Wayna Pitch.

Ollie, ce n’est évidemment pas le nom d’un personnage, mais le terme qui désigne la figure de base du skate-board, ce mouvement de saut de la planche. Le cinéma américain nous y a habitués – citons Larry Clark, Gus Van Sant et le 90’s de Jonah Hill –, mais pas le cinéma français jusque-là. Quoiqu’Antoine Besse s’était littéralement révélé avec Le skate moderne, ce court métrage d’abord réalisé pour une diffusion directe sur le web avant d’être remarqué en festivals à la rentrée 2014 (recevant alors notamment le Prix de la critique à Trouville et le Prix Brefcinema à Lille).

Dans ce film qui a été diffusé sur notre plateforme  à son ouverture (et qui y est de nouveau disponible), le réalisateur alors au début de la vingtaine entendait déjà parler du “skate à la campagne”, pour résumer la thématique programmatique de ses (très belles) images. 

Même cadre pour Ollie, au début duquel le jeune Pierre, âgé de 13 ans, perd prématurément sa mère et doit venir vivre dans la ferme de son père, perdue dans une zone rurale de Dordogne (déjà le département filmé dans le court métrage cité précédemment). Là, il intègre un nouveau collège, où des lascars plutôt bas du casque – eux aussi skateurs – le provoquent et le harcèlent : tout se jouera donc plus tard sur la planche, alors que le pré-ado parvient à être coaché par une ancienne pointure de la discipline, d’abord réticent après avoir coupé avec cette passion dévorante suite à un drame intime.

Le schéma de teenage-movie initiatique à la Karaté Kid est assumé, mais la transmission ne s’effectue pas sans heurts, le “maître” n’étant guère exemplaire, fumeur de joints et buveur de binouzes volontiers fêtard et toujours tourmenté, incapable en tout cas de se stabiliser dans une vie adulte “normale”, sur un plan professionnel comme sur celui des sentiments. Le lien qui se crée entre Pierre et Bertrand est touchant, dans ce contexte de France profonde où le travail est l’alpha et l’omega, même devant des contraintes économiques étouffantes pour les agriculteurs – une mention à Cédric Kahn, minéral dans le rôle du père de Pierre, accablé par les dettes et soucis divers.

Le récit est celui d’une initiation à différents égards, le volet sentimental étant sobrement et discrètement développé à travers la figure de Jeanne, une amie d’enfance de Pierre que celui-ci a retrouvée à son retour, grandie et elle-même fan de vitesse, enfourchant volontiers sa moto de cross. Et le cinéma français devient décidément de moins en moins urbain, après Vingt dieux, Fario, La pampa et autres Roman de Jim l’an dernier, le point de bonus proposé par Ollie étant de délocaliser un motif qui l’est pourtant intrinsèquement, vers un environnement a priori moins emblématique, et donc loin des clichés.

Et ça fonctionne, avec même de vraies envolées poétiques, comme cela aura aussi été le cas entretemps pour un autre court, 404, datant de 2019 et singulièrement moins diffusé que Le skate moderne (mais le média en ligne Dazed le propose en accès libre ici). Dans cette dystopie visuellement travaillée (voir le littoral de la Grande-Motte réimaginé), se mêlaient cette fois naturalisme et fantastique, à travers le personnage d’une petite fille aux grands yeux burtoniens, protégée par son jeune papa, déjà interprété par Théo Christine, le fiévreux Bertrand d’Ollie.

Même s’il est lancé en salles alors même que le Festival de Cannes phagocyte toute l’actualité cinéma, il serait sacrément dommage de passer à côté de ce premier long aussi stimulant qu’ébouriffant qui a derrière lui une jolie carrière en festivals (Angoulême, Arras, Biarritz, Les Arcs, Namur, Paris Courts devant…).

Christophe Chauville

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