Extrait
Partager sur facebook Partager sur twitter

Le skate moderne

Antoine Besse

2014 - 7 minutes

France - Documentaire

Production : Kloudbox, Les Belles histoires

synopsis

Loin des lisses spots de béton, une bande de skaters n’hésitent pas à mettre leurs boards dans la boue et à rouler dans l’environnement insolite de la campagne française. Entre fiction et documentaire, nous sommes conviés à les suivre, sur une tonalité contemplative, vers les coins les plus reculés de la Dordogne.

Antoine Besse

Né en 1991, Antoine Besse est originaire de Dordogne. Il avait signé plusieurs films publicitaires (tant pour Médecins du Monde que Décathlon) et vidéo clips lorsqu’il se lança en solitaire, ou presque, dans un petit film documentaire uniquement destiné à être diffusé sur internet : Le skate moderne.

Très vite, un vif intérêt se cristallisa autour de cet objet évoquant pour beaucoup le cinéma de Raymond Depardon, à qui le titre du film et la musique utilisée rendent directement hommage. De nombreuses sélections en festivals firent passer l’œuvre du côté du grand écran, avec une imposante collection de récompenses à la clé, dont le Grand prix à Grenoble, le Prix de la presse à Lille et à Trouville ou encore le Prix du public à Séquence court à Toulouse.

Antoine Besse enchaîna avec un autre documentaire consacré à la glisse, Courbes (2016), sur un format de 52 minutes tourné dans les Landes, puis avec un court métrage de genre, Red Creek (2017) et une web-série en quatre épisodes, BTS (Behind the Scenes) (2021).

Plusieurs années s'écoulèrent avant qu'il sorte au cinéma un premier long métrage, récompensé au Festival du film francophone de Namur : Ollie (2025). Les comédien(ne)s-cinéastes Emmanuelle Bercot et Cédric Kahn y côtoient Théo Christine et le jeune Kristen Billon.

Critique

L’usage critique tend trop souvent à blâmer les jeunes réalisateurs rendant délibérément hommage à un maître. Antoine Besse s’en défie en parvenant à toucher, en moins de sept minutes, à la grâce de son modèle. Dès le titre donné à son film, le jeune réalisateur ne dissimule rien ; Le skate moderne se réfère directement à La vie moderne de Raymond Depardon (2008), qui l’a inspiré. Il choisit même sans trembler d’utiliser à son tour les partitions de Gabriel Fauré, l’Élégie, opus 24 et surtout l’ample et ravissant Pavane, pour donner sa propre variation autour de “profils paysans” inattendus et qu’il connaît parfaitement : des amis d’enfance demeurés dans leur campagne profonde – la Dordogne, en l’occurrence –, que l’ennui et l’absence d’horizons (sociaux comme culturels) ont conduits à une pratique frénétique et obsessionnelle du plus urbain des sports, le skate-board.

Loin des spots du Trocadéro ou du Palais de Tokyo, pour en rester aux sites parisiens les plus fameux, le groupe de jeunes rats des champs investit la géographie de son hameau et de ses environs, et la caméra joue des formes et des courbes de leurs astucieux parcours en appliquant d’harmonieux cadres (voir les skaters en oscillation à l’intérieur d’un tunnel de béton) et en jouant de ralentis qui donnent de la noblesse à une discipline qu’on aurait facilement tendance à dédaigner comme un divertissement pour ados attardés.

Il y a pourtant dans leurs trajectoires comme un parfum d’éternité, lié à la nature environnante, certes, mais nulle once de mélancolie passéiste n’existe dans le regard posé par le réalisateur sur ses camarades et leurs familles. La manière dont il les magnifie, par la fluidité du montage et les poses qu’ils prennent face à sa caméra, nous fait même oublier si ces jeunes gens s’habillent réellement ainsi, impeccablement “smart” sur les chemins boueux. Peu nous importe l’éthique de l’approche, en fait ; leur procession étrange, en planches à roulettes derrière un tracteur, fumigènes et drapeaux énigmatiques à la main, semble arrêter le temps, rien de moins.

Christophe Chauville

Article paru dans Bref n°114, 2015.

Réalisation et scénario : Antoine Besse. Montage : Mathieu Staub et Antoine Besse. Son : Pierre Ravoyard. Production : Kloudbox et Les Belles histoires. 

À retrouver dans