Extrait
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Au revoir Jérôme !

Chloé Farr, Gabrielle Selnet, Adam Sillard

2021 - 8 minutes

France - Animation

Production : Gobelins, l’école de l’image

synopsis

Tout juste arrivé au paradis, Jérôme se met en quête de sa femme Maryline. Au fil de ses recherches, il s’enfonce de plus en plus dans un monde surréaliste et coloré dans lequel personne ne semble pouvoir l’aider.

Chloé Farr

Née en 1997, Chloé Farr est une illustratrice et réalisatrice de films d'animation. Elle sort diplômée de la section animation des Gobelins en 2021 avec son film de fin d'études Au revoir Jérôme !, co-réalisé avec Gabrielle Selnet et Adam Sillard, qui est sélectionné dans de nombreux festivals internationaux, et reçoit notamment le Prix du public de la compétition “Plans animés” du Festival Premiers plans d'Angers.

En 2020, pendant sa scolarité aux Gobelins, elle a réalisé également La cerise sur le gâteau dans le cadre d'un échange avec l'École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles.

Elle est actuellement étudiante en réalisation à La Poudrière, où elle a réalisé le film Les pissenlits par la racine, qui commence sa carrière en festivals.

Gabrielle Selnet

Gabrielle Selnet est une réalisatrice de films d'animation qui sort diplômée de la section animation des Gobelins en 2021. Son film de fin d'études, Au revoir Jérôme !, co-réalisé avec Chloé Farr et Adam Sillard, est sélectionné dans de nombreux festivals internationaux, et reçoit notamment le Prix du public de la compétition “Plans animés” du Festival Premiers plans d'Angers.

Pendant sa scolarité aux Gobelins, elle a également co-réalisé les films Plongeon d'été et Idol Idol, et depuis a participé à l'animation du film Expedit de Baptiste Boutin et de A Kind of Testament de Stephen Vuillemin, lauréat du Prix Emile Reynaud 2023.

Elle est actuellement étudiante en réalisation à La Poudrière, où elle a réalisé le film La mort du petit cheval, qui commence sa carrière en festivals.

Adam Sillard

Né en 1999, Adam Sillard est un illustrateur et réalisateur de films d'animation. Il sort diplômé de la section animation des Gobelins en 2021 avec son film de fin d'études Au revoir Jérôme !, co-réalisé avec Gabrielle Selnet et Chloé Farr, qui est sélectionné dans de nombreux festivals internationaux, et reçoit notamment le Prix du public de la compétition “Plans animés” du Festival Premiers plans d'Angers.

Dans le cadre de sa scolarité il a également co-réalisé les films Plongeon d'été et Tokyo Apocalypse, et en 2020 il a travaillé sur l'animation du film Expedit de Baptiste Boutin. Il a aussi travaillé sur des clips musicaux animés, faisant partie de l'équipe d'animation de clips de The Weeknd et November Ultra.

Critique

Au revoir Jérôme ! réalisé au sein de la prestigieuse école des Gobelins par un trio d’étudiants, et Histoire pour 2 trompettes, premier court métrage de la plasticienne et dessinatrice Amandine Meyer, ont en commun une sélection au Festival d’Annecy 2022, mais surtout des univers décalés où se déploie une folie douce et surréaliste.

Tandis qu’Au revoir Jérôme ! se situe d’emblée dans l’au-delà, littéralement aux portes du paradis, Histoire pour 2 trompettes évoque une vie dans son commencement, entre enfance et (re)naissance. L’eau, constamment présente dans le film, qui fait croître le ventre d’un personnage ou élément dans lequel flottent de minuscules bébés monochromes, évoque le liquide amniotique. Ingestion et gestation se succèdent, les lignes ne cessent d’évoluer et de se transformer. Ce monde organique évoque aussi les tout débuts du cinéma d’animation, lorsque le bien nommé Fantasmagorie d’Émile Cohl (1908) faisait primer le plaisir de la métamorphose des formes sur celui de la narration. Amandine Meyer cite, quant à elle, l’œuvre du cinéaste expérimental américain Robert Breer qui, dans les années 1950, réalisa de nombreux films comme des jeux de mouvements et de transformations des lignes. Ainsi, si Histoire pour 2 trompettes foisonne de formes et de couleurs, on ne peut y arrimer un sens exclusif, qu’il soit narratif ou symbolique – l’eau des larmes et de la souffrance est aussi celle des rivières, des torrents, des fontaines, cet élément où la vie est apparue et se régénère, se prêtant à toutes les transformations et à différents récits de (re)naissances. 

On trouve ce même plaisir de la ligne mouvante dans Au revoir Jérôme ! même si la narration est beaucoup plus présente et les formes définies. C’est en particulier à la fin du film que celles-ci se délitent pour laisser la place à une pure fantaisie colorée. Ces lignes en mouvement évoquent alors quelques-uns des artistes cités par ailleurs (lorsque Jérôme passe par ce qui semble être une salle de musée) : Sonia Delaunay, Matisse, Calder. 

Mais si ces références picturales sont explicitement présentes, l’univers du film dans son ensemble évoque aussi très fortement l’esthétique des années 1970, inspiration d’ailleurs clairement revendiquée. On pense en particulier à un classique du cinéma d’animation réalisé en 1968 et qui devait inspirer la décennie suivante, Yellow Submarine de George Dunning et Dennis Abey, transposition libre de l’univers musical des Beatles. 

Au-delà de leur fantaisie surréaliste commune, les deux films ont de nombreux points de rencontre, à commencer par leur processus de fabrication et leur esthétique. Dans chacun des projets, il y a ainsi d’abord eu un travail sur les fonds, "à l’aquarelle pour un univers qui [la] fait vibrer"1 du côté d’Amandine Meyer et à l’encre sur papier pour Au revoir Jérôme ! afin d’obtenir des décors très intensément colorés.

Dans les deux cas, un travail de matières, d’abord, avec l’envie de rendre visible la touche aquarellée ou encrée, puis les personnages ont été imaginés pour les deux films de manière simple, stylisée, et en aplats de couleurs. Il s’agissait d’une volonté, pour la réalisatrice d’Histoire pour 2 trompettes, de "toucher à la fluidité, à la magie de la ligne qui prend vie" et, pour les trois élèves des Gobelins, de faire ressortir le personnage de Jérôme sur des fonds très détaillés.

Au niveau sonore, l’approche est également comparable avec une stylisation des bruitages et une grande attention à la musique, chaque fois une composition originale participant pleinement à enrichir les imaginaires des deux univers. Enfin, il s’agit de deux récits qui mettent en scène un chagrin provoqué par l’autre, sinon une rupture, de manière explicite dans Au revoir Jérôme ! et plus suggestive au début d’Histoire pour 2 trompettes. Une même image est étonnamment présente dans chacun des films, celle d’êtres se brisant littéralement – les corps sont alors réduits en morceaux comme des vases tombés à terre. Ils doivent ensuite retrouver leur intégrité physique, après une traversée colorée et abstraite pour Jérôme, qui reste visiblement fissuré, ou après une traversée poétique et initiatique dans Histoire pour 2 trompettes, durant laquelle les transformations du personnage rappellent celles subies par l’héroïne d’Alice au pays des merveilles, le célèbre récit de Lewis Carroll (1865). 

À celles déjà citées on pourrait encore ajouter d’autres références, pour la plupart pionnières ou sous influence du surréalisme, telles que certaines œuvres de Salvador Dali pour Au revoir Jérôme ! ou, tant pour son graphisme que pour le monde qu’il déploie, la bande dessinée Little Nemo de Winsor McCay (1905) pour Histoire pour 2 trompettes… Cependant, ce sont bien deux univers profondément originaux que proposent ces courts métrages et leur meilleur point de rencontre est finalement leur liberté esthétique et non-narrative, inspirante, réjouissante et prometteuse.

Anne-Sophie Lepicard

Article paru dans Bref n°128, 2023.

1 Voir sur : http://www.lepolyester.com/entretien-avec-amandine-meyer

Réalisation, scénario, image et montage : Chloé Farr, Gabrielle Selnet et Adam Sillard. Son : Clément Naline, Nadège Feyrit; Cédric Denooz et Jérémy Ben Ammar. Musique originale : Anna Cordonnier et Amandine Robillard. Voix : William Lebghil et Alma Jodorowsky. Production : Gobelins, l'école de l'image.