Nos soirées 20/10/2025

Molière, ChatGPT, une bicyclette et des chiens à “Déjà demain”

C’est dans des univers variés, sinon contrastés, que la prochaine soirée “Déjà demain”, le lundi 3 novembre, vous convie au MK2 Odéon, côté Saint-Michel.

Cette séance de novembre de Déjà demain naviguera entre des registres plutôt différents, entraînant d’abord entre les murs d’un lycée où une toute jeune prof de lettres, enthousiaste et velléitaire, a décidé de monter une pièce de théâtre d’après une œuvre de Molière ne faisant pas partie des plus connues, Le mariage forcé (photo ci-dessous).

Ce court métrage d’Aurore Engel lui emprunte son titre et fait le portrait de cette enseignante débutante se voyant rattrapée par des motivations imprévues, faisant entrer dans son projet artistique le contexte de la relation sentimentale que mène la lycéenne qu’elle a choisie pour le rôle principal du spectacle, Lili. Ses repères se brouillent et elle a du mal à rester à sa juste place d’encadrante, sur un registre moins léger qu’il n’y paraît, où Pauline Serieys, que l’on voit de plus en plus souvent, affirme un joli sens de la nuance.

Le Diable et la bicyclette de Sharon Hakim (photo ci-dessous) poursuit une belle carrière depuis sa présentation à Clermont-Ferrand en début d’année et plonge dans le Liban des années 1980, sur les traces d’une jeune fille de confession chrétienne arpentant les environs sur son vélo, alors que de premiers émois la saisissent au moment d’entrer de plain-pied dans l’adolescence.

La thématique pourrait paraître convenue, mais prend pas mal de relief devant la caméra de celle qui avait déjà été remarquée pour son court précédent, La grande nuit (2020). Et dans le contexte tendu du Liban déjà plongé dans les affres d’une guerre larvée, le tableau d’une émancipation est brossé, avec une vraie audace et pas mal d’humour.

On rit aussi, mais parfois jaune, devant Ni Dieu ni père de Paul Kermarec, l’un de ces films prenant l’écran d’un ordinateur comme espace de mise en scène, pour conter une fable de notre temps, où un jeune homme né en 1998 – et dont le père est parti alors qu’il n’avait que quatre ans – apprend la vie grâce à… Google ! De là, son errance sur Internet l’amène à chercher une figure paternelle de substitution par le biais de ChatGPT…

Malin et assez stupéfiant, parfois effrayant (forcément), utilisant les rituels de la vie en ligne, le film fascine, en à peine dix minutes, et nous questionne directement sur le gouffre vertigineux ainsi ouvert. Le Prix du public de la compétition Labo décerné à Clermont-Ferrand en début d’année est amplement mérité.

La pointe de paranoïa apparue se prolongera à travers Bête noire de Joffrey Monteiro-Noël (photo de bandeau), qui s’aventure sur le terrain du thriller dans un environnement rural, où un chasseur est missionné par une notable quelque peu mystérieuse pour récupérer, à l’insu des forces de l’ordre, un taureau lui appartenant et qui sème la désolation dans les alentours. Avec ses chiens, Christophe se lance donc sur les traces de la bête, sans savoir ce qui l’attend…

La mise en scène est solide, sinon brillante, et le récit habilement surprenant. Il permet aussi de retrouver Grégoire Colin, ancien enfant acteur (à la fin des années 1980) qui a pris du cuir, comme on dit, et qui s’appuie sur une stature bâtie peu à peu, au fil des années, entre présence minérale et failles de fragilité plus intimes. Ce court métrage est aussi à voir pour sa performance, qu’évoquera peut-être le réalisateur Joffrey Monteiro-Noël, présent pour échanger avec le public à l’issue de la projection, tout comme Paul Kermarec.

Christophe Chauville

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