News 09/06/2022

Light Cone fête ses 40 ans !

De copieuses festivités sont prévues pour célébrer, en cette mi-juin, cet anniversaire “rond” de la structure dédiée depuis 1982 à la promotion et la diffusion du cinéma expérimental.

Créé en 1982 par les cinéastes yann beauvais et Miles McKane, Light Cone se consacre depuis 40 ans à la distribution et la diffusion du cinéma dit expérimental. Son catalogue, riche désormais de plus de 6000 œuvres réalisées par 800 artistes, français comme internationaux, compte à la fois des auteurs classiques de l’avant-garde comme Germaine Dulac (à laquelle la Cinémathèque française consacre une rétrospective à partir du 16 juin – photo ci-dessous : La coquille et le clergyman) et Hans Richter, et des cinéastes contemporains tels que Karl Lemieux, Steven Woloshen ou Patrick Bokanowski.

Au fil des ans, l’association s’est diversifiée : en plus de ses régulières séances “Scratch” à Paris et de son centre de documentation ouvert aux chercheurs et professionnels, elle propose depuis 2014 une résidence de post-production vidéo (L’Atelier 105, par lequel sont notamment passés Freeze Frame de Soetkin Verstegen et Sensitive Material de Nataliya Ilchuk) et édite des ouvrages spécialisés, tels que Expanded nature, écologies du cinéma expérimental sous la direction d’Elio Della Noce et Lucas Murari, sorti en mai dernier. 

À l’occasion du 40e anniversaire, c’est un nouvel ouvrage collectif, Scrapbook, qui voit le jour. Pensé comme un livre d’images, il réunit les contributions matérielles de cinéastes attachés à Light Cone : croquis de préparation de tournage, photos, bobine de films, correspondances… Une sélection de ces œuvres sera exposée à la Galerie Rue Antoine (75018) dès le 9 juin, en préambule des nombreuses festivités prévues lors de la semaine du 13 juin.

Le public parisien et francilien est en effet invité à un véritable festival qui s’ouvre sur une séance organisée autour du Ballet mécanique de Fernand Léger et Dudley Murphy, projeté en 16 mm dans les jardins de la Fondation La Ruche-Seydoux. “Fernand Léger avait une définition du cinéma qui était beaucoup plus large et beaucoup plus poreuse que la seule avant-garde, explique Emmanuel Lefrant, réalisateur et directeur de la structure. L’idée est donc de reproduire l’esprit de la Première du film à Vienne en 1924 en le montrant avec des œuvres très variées : un western tourné en Camargue dans les années 1910 (photo ci-dessus), un film sur la circulation du sang, un Chaplin… tous les genres du cinéma sont joyeusement confondus dans cette séance.”

Les deux soirées consacrées aux “forces telluriques” réunissent également des films venus d’horizons divers, tous en lien avec la question du changement climatique et de l’anthropocène. Ce sera notamment l’occasion d’un focus sur le travail du réalisateur Daïchi Sato, dont trois courts métrages seront projetés en 35 mm (photo ci-dessus : Trees of Syntax). “Pour lui, la question de la matière et de la tangibilité du support est très importante, précise Emmanuel Lefrant. Il développe tout à la main et fait beaucoup de travail en labo. Son cinéma joue aussi beaucoup sur l’immersion et le côté spectaculaire, qui appellent le grand écran. La vibration de la projection 35 mm fait donc vraiment partie de l’expérience.”

 
Soft Fiction de Chick Strand (1979)

De manière générale, la question du support de projection demeure assez prégnante quand il s’agit de cinéma expérimental, et c’est d’ailleurs le sujet de la table ronde organisée conjointement avec Le Bal autour des bouleversements qu’a engendré la pandémie en termes d’usage et notamment des nouveaux moyens de diffusion possibles (tels que les NFT). “Le cinéma expérimental induit un rapport physique à la diffusion des films. Light Cone possède une collection argentique très importante et la moitié des films que nous louons aujourd’hui sont encore en format physique, rappelle Emmanuel Lefrant. Malgré tout, nous avons beaucoup œuvré pour la diffusion numérique. L’idée est aussi de lutter contre une forme d’élitisme, car une partie du monde n’est pas équipée en projecteurs 16 mm ou 35 mm.”

Pour cet anniversaire, le support physique demeure tout de même le fil rouge, à travers notamment les deux soirées consacrées au 10e anniversaire de “Scratch Expanded”, événement bisannuel dédié aux formes élargies du cinéma, qui met en lumière des artistes spécialisés dans les performances cinématographiques tels que Gaëlle Rouard et le collectif Metamkine. Ce dernier, qui utilise le projecteur comme un instrument à part entière, projette depuis la scène, devant le public, dans un miroir qui renvoie l’image sur l’écran, proposant une expérience singulière, à chaque fois renouvelée.

Le cinéma débordera une dernière fois de l’écran lors de la fête de clôture qui accueille les “Boîtes de la nuit”, une collaboration entre 7 artistes qui revisitent l’idée de la boîte de nuit à travers des mises en scènes lumineuses, des danses, des projections (photo ci-dessus). De quoi, sans doute, dissiper les préjugés sur le caractère supposé élitiste ou compliqué d’un cinéma expérimental qui, en réalité, est souvent plus ludique que cérébral, éminemment sensoriel, et qui, délivré des nécessités d’une narration classique, élargit constamment le champ des possibles cinématographiques.

Marie-Pauline Mollaret


Tous visuels : © Light Cone, 2022.

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