Concours de la jeune critique : le podium 2024 de Brefcinema
Comme chaque année, le Festival de Clermont-Ferrand a organisé son Concours de la jeune critique. Partenaires de l’opération, nous publions ici les trois textes que notre jury maison a choisi de primer dans la catégorie “Section cinéma”.
Grand prix : Emma Mortier (Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), pour son texte sur le film A Kind of Testament de Stephen Vuillemin (compétition “Labo”, visuel ci-dessous).
Une recherche, un clic, un testament artistique.
Une femme recherche son nom sur Internet et découvre un dossier d’animations réalisées à partir de ses photos. Lorsqu’elle découvre que l’artiste est son homonyme âgée, il est déjà trop tard pour obtenir des réponses à ses questions : la créatrice succombe à son cancer.
“Pourquoi ?”, c’est l’énigme de cette animation déconcertante aux couleurs excentriques, réalisée par Stephen Vuillemin. A Kind of Testament, joue sur le genre avec cette voix off et ces plans sur un ordinateur, qui nous offrent comme un témoignage, un réel documentaire sur une identité usurpée. Entremêlant fiction et réalité dans sa propre fiction, tout se mélange et se confond : monde littéral et numérique, jeunesse et vieillesse, semblable et invraisemblable, vie et mort, le tout dans tes tons électriques et vibrants. Des superpositions de plans nous offrent une vue sur les animations réalisées par l’artiste décédée et nous ancrent dans le numérique, dans son art, amplifié par un style d’animation ubuesque.
A kind of testament, parle de notre rapport à la vieillesse, à l’identité, et comment le numérique et l’art les maquillent ou nous aident à les tromper. Une voix, ou un nom sur une image crée une identité sur le numérique, indépendamment de son adéquation avec la réalité. Un être virtuel est donc façonnable indéfiniment selon notre volonté. L’identité et l’authenticité s’effacent alors derrière le souhait d’une vie éternelle, d’une jeunesse retrouvée, des rêves virtuels, qui contrastent avec la véritable nature dont on ne peut échapper : la vieillesse et la mort nous rattrapent toujours.
2e prix : Maëline Beihlé (Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), pour son texte sur le film Été 96 de Mathilde Bédouet (compétition nationale, visuel ci-dessous).
Été 96 nous transporte sur la paisible île bretonne de Callot, où une bande d’amis se réunit chaque été pour un pique-nique en bord de mer. Mais lorsque la marée monte et que les tensions émergent, les peurs du jeune Paul resurgissent.
Mathilde Bédouet nous plonge dans cette aventure estivale à travers ce joli court métrage d’animation, nommé aux César 2024 dans cette catégorie (le film a remporté le trophée par la suite, ndlr). Le choix de la musique d’Alain Souchon L’amour à la machine, crée une ambiance entraînante et légère dès les premiers instants, transportant le spectateur dans l’effervescence de cette escapade d’été. Les plans, qui semblent être filmés à travers un caméscope passant de mains en mains, captent avec justesse les sons de la nature environnante, les bruits des vagues, les rires des enfants qui jouent et la simplicité des échanges entre amis, tout en mettant en valeur les splendides paysages côtiers.
L’animation réalisée au crayon de couleur confère une esthétique unique au film, ajoutant une touche d’authenticité et de nostalgie à l’ensemble. Les dessins aux couleurs douces, parfois minimalistes sur fond blanc, mettent en lumière les personnages et leurs émotions, permettant ainsi au spectateur de s’immerger pleinement dans l’histoire.
Entre les marinière, les parasols et les coupe-vents jaunes, Été 96 évoque avec tendresse et humour la nostalgie des souvenirs de vacances en famille, avec ses moments touchants et drôles, mais aussi ses moments de galère, qui apportent une touche de comédie et de réalisme à l’ensemble. Ce court métrage invite chacun à se replonger dans ses propres réminiscences estivales, offrant un moment de douceur et de réconfort.
3e prix : Flavie Courrier (Lycée Louis-Armand de Chambéry), pour son texte sur le film Petit Spartacus de Sara Ganem (compétition nationale, photo de bandeau).
C’est l’histoire d’un naufrage, d’une quête d’identité, d’une reconquête en fait… De son corps, de son histoire, de sa vie.
Petit Spartacus, documentaire réalisé par Sara Ganem, est le récit de l’amitié entre Sara et son vélo qui parle grec, prénommé Spartacus. Ensemble, ils suivent les routes d’Europe de l’Est pour atteindre leur destination : la Grèce. Nous suivons leur périple, accompagnés de la voix sereine et tranchante de Sara racontant avec lucidité, autodérision et sarcasme leurs aventures, leurs rencontres. Ce voyage se métamorphose, cachant une réalité trop lourde, trop grave. Ce film n’est pas une leçon de vie sur la solitude ou les différentes cultures et alcools d’Occident. Le sens devient petit à petit profondément sombre, reflétant les brisures d’une âme. L’expédition mêle joies, détours, humanité, musique, disparitions, fêtes, puis appréhension de la destination qui implique le retour brutal à la réalité. Elle cherche des réponses à une question qui s’est égarée en chemin. Mais même les Dieux de l’Olympe ne peuvent pas recoller ses morceaux, alors elle panique, elle revient à l’élément déclencheur, elle se sent sale donc elle veut se laver du déni et les souvenirs qu’il masque.
C’est l’histoire d’une femme qui s’est perdue en route, qui n’arrive pas rentrer, à réintégrer son corps, à vivre, se sentant vaincue. Mais tout comme le personnage mythique Spartacus, Sara se soulève contre ce qui l’oppresse. Ce film nous apprend à braver la tempête grâce à un K-Way, et à retrouver son chemin grâce à un vélo grec.
Les critiques sont aussi à visionner, lues par leurs jeunes auteur(e)s, en version vidéo sur le site de Sauve qui peut le court métrage.
Merci à Clara Boutet, John Robinson et Adèle Triol pour leur participation au jury Brefcinema.
À lire aussi :
- Les textes choisis par Brefcinema lors du concours de la jeune critique 2023.
- Été 96 lauréat du César 2024 du meilleur court métrage d’animation.