Concours de la jeune critique 2023 : le choix de Brefcinema
Comme tous les ans, le Festival de Clermont-Ferrand a organisé son concours de la jeune critique. Partenaires de l’opération, nous publions ici les textes que nous avons choisi de primer dans la catégorie “Section cinéma”.
Grand prix : Jeanne Bonnemoy (classe de Terminale, spécialité cinéma, Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), pour son texte sur le film Buffer Zone de Savvas Stavrou (programme “Films Euro Connexion”, photo ci-dessous).
Le film Buffer Zone de Savvas Stavrou nous donne à entendre ce qui est sans doute la reprise la plus émouvante de la chanson Running up that Hill de Kate Bush, dont le message d’amour et de désir de compréhension n’a jamais eu autant de sens que dans la bouche de deux jeunes soldats ennemis par la nationalité, mais unis par leur humanité.
L’histoire se déroule dans la zone tampon entre Chypre et la Turquie. Deux immeubles appartenant chacun à l’un de ses pays se font face, comme les soldats sur leur toit, au fil des heures de garde. La tension est palpable, jusqu’à ce que la garde revienne à un jeune soldat chypriote tout juste engagé. Présenté dès les premières images comme le souffre-douleur de ses camarades, il se prend de compassion pour un soldat turc du même âge quand il se rend compte que ce dernier subit lui aussi les railleries des autres soldats. Ce premier point commun va les amener à une émouvante histoire d’amour lorsqu’ils découvrent leur attachement mutuel à la chanson de Kate Bush, leur façon de s’évader un instant de cet environnement oppressant.
Ce film présente ainsi une histoire d’amour, mais d’un amour impossible, tragique, tel celui de Roméo et Juliette. Mais quand la musique se fait entendre, tout semble devenir possible : les voix des deux âmes sœurs s’entremêlent et la dure réalité s’éclipse un instant, permettant littéralement l’envol mystique du jeune soldat. Alors, même lorsqu’ils se retrouvent finalement séparés, leur lien musical permet de garder foi en l’amour ; à la fois le leur et un amour universel, un amour qui permettrait de dépasser tous les conflits.
2e prix : Arthur Belin (Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), pour son texte sur le film Les dents du bonheur de Joséphine Darcy-Hopkins (compétition nationale, photo de bandeau).
Une esthéticienne à domicile se rend chez une cliente fortunée avec sa fille de huit ans, Madeleine. La riche propriétaire propose à la fillette de rejoindre sa fille Eugénie et ses deux amies, Constance et Emmeraude, au sous-sol de la maison.
Les trois amies accueillent Madeleine et lui proposent de participer à un jeu de société dont Constance fixe les règles. Chaque joueuse doit apporter une somme d’argent dans le jeu. Pour la première partie, Madeleine donne la pièce de deux euros, qu’elle a reçu le matin même avec la “petite souris”. Constance ayant remporté la partie, invite à Madeleine à rejouer. Cette dernière accepte mais n’ayant plus d’argent à miser, Constance lui propose de lui arracher une dent en guise de nouvelle mise.
Dans son film Les dents du bonheur, la réalisatrice Joséphine Darcy-Hopkins, dépeint avec finesse et cruauté deux mondes qui s’opposent. La vie ordinaire d’une esthéticienne et sa fille, face à une famille de la très grande bourgeoisie. Pour illustrer son propos, la réalisatrice a choisi comme lieu de tournage, une grande propriété avec parc et belle demeure. La famille emploie une servante à laquelle on ne s’adresse qu’en anglais. Dès leur jeune âge, les enfants sont confrontés à des valeurs mettant en avant la compétition, l’argent, l’emprise sur autrui.
Aucun personnage masculin dans ce film n’est présent à l’écran. Joséphine Darcy-Hopkins concentre son travail d’acting sur des femmes hypocrites et cruelles. Constance, la fille de la propriétaire prend du plaisir à voir souffrir Madeleine en restant insensible à sa douleur et à sa tristesse. Les jeux de lumière employés dans le sous-sol et quelques effets de maquillage, rendent l’atmosphère encore plus pesante. Véritable film à suspense, ce court métrage renferme les ingrédients d’un thriller social.
3e prix : Lisa Souligoux (classe de Première au Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), pour son texte sur le film Daphné ou la belle plante de Sylvain Derosne et Sébastien Laudenbach (rétrospective “libido”, photo ci-dessus).
Pendant que l’eau ruisselle, que le miel coule, que les feuilles tombent et que le bois s’enflamme, Daphné nous confesse son histoire, celle d’une femme émotive et impudique.
Daphné ou la belle plante, un court métrage de Sébastien Laudenbach et de Sylvain Derosne. Nous découvrons la vie inhabituelle de Daphné, à la manière d’un documentaire sur la nature, les téléspectateurs se retrouvent complètement immergés dans un univers sensuel. Daphné est le nom d’une fleur, le laurier, qui, comme toutes les fleurs, suit un cycle déterminé.
Une véritable harmonie se crée entre la narratrice, la nature et la musique, donnant une dimension poétique au court métrage. Être strip-teaseuse ne fait pas partie de notre quotidien, mais c’est différent quand cette jeune femme nous raconte sa touchante histoire. C’est un sujet délicat qui est parfaitement traité et décrit.
Les différences de plans font danser les feuilles, l’eau et même le feu. La transition passant de plans rapprochés à des plans d’ensemble permet de découvrir l’entièreté d’un monde d’apparence pudique. C’est lorsque les plans se rapprochent que ceux-ci nous dévoilent sa remarquable sensualité. Et c’est grâce à une simple bande-son que nous parvenons à comprendre de quoi traite ce documentaire.
Une simple bande-son qui fait son effet, Daphné extériorise et nous devenons témoin de ses joies, de ses peurs, de ses déceptions et même de ses désirs. C’est ainsi qu’un lien profond se crée avec le personnage principal. Daphné ou la belle plante est un documentaire qui ne laisse personne indifférent à la sensibilité d’une jeune femme au nom de fleur.
Les critiques sont aussi à visionner, lues par leurs jeunes auteur(e)s, en version vidéo sur le site de l’opération.
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