News 02/07/2021

Concours de la jeune critique 2021 : les lauréats de Brefcinéma

Chaque année, le Festival de Clermont-Ferrand organise le concours de la jeune critique. Partenaires de l’opération, nous publions les textes retenus par les différents jurys, à commencer par les choix du nôtre dans la catégorie “Section cinéma”.

Grand prix : Marine Gilbert (Première CAV, Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), sur le film L’effort commercial de Sarah Arnold (photo de bandeau).

Des femmes. Des caisses enregistreuses. Du vide. Essentiellement du vide…

Nous entrons ainsi dans l’univers aseptisé et tragique du court métrage L’effort commercial, titre reflétant à lui seul la rudesse des conditions de travail dans notre société. 

Dans ce drame, Léa, une jeune travailleuse nouvellement embauchée dans une grande enseigne de supermarché, apprend le métier de caissière. Les spectateurs découvrent à travers ses yeux l’immoralité et l’absence d’humanité dans le management des employées. Son accueil au sein de l’équipe d’hôtesses de caisse est froid et distant, comme si l’absence d’empathie de l’encadrement déteignait sur les employées. Elles se sont, apparemment, habituées à ce monde cruel et sans cœur, mais pas Léa.

Le film se déroule dans le magasin, où le vide est omniprésent, permettant de centrer notre attention sur les caissières et leurs actions, accompagnées des “bips” incessants des douchettes. Tout n’est que vide à l’écran : articles, clients, décor… les rendant présents par leur absence. Après tout, pourquoi représenter ces éléments puisque l’important n’est pas le contact, le lien humain, mais seulement la productivité et la perfection. Une perfection des gestes, du comportement, réalisé dans un objectif : satisfaire le client. “Le soleil chante, les oiseaux brillent”, clame leur devise… ces femmes doivent briller à tout prix.

La sobriété de la scénographie renforce le message de cette fiction, dénonçant ainsi toute une société. D’autant plus que cette histoire est basée sur celle d’une jeune femme, hôtesse de caisse dans un supermarché Auchan de Tourcoing. Elle était enceinte de trois mois, faisait des malaises à répétition. Elle demanda à aller aux toilettes. Refus de ses supérieurs. Elle fit une fausse couche.

2e prix : Nils Colson (Seconde CAV, Lycée Auguste et Louis Lumière de Lyon), sur le film Coffin de Houzhi Huang, Yuanqing Cai, Mandimby Lebon, Théo Tran Ngoc, Mikolaj Janiw, Nathan Crabot (visuel ci-dessus).

Le remarquable Coffin s’ouvre par l’entrée d’un jeune homme aux traits fatigués dans un tout petit appartement collectif. Animé par un seul but, celui de pouvoir se reposer après une dure journée, le protagoniste se retrouve assailli par des bruits parasites qui le plongent dans un cauchemar absurde : on joue au football dans l’appartement, un camion poubelle renverse la cuisine, un ouvrier joue du marteau-piqueur, les toilettes débordent et entrainent une inondation d’urine. 

En choisissant l’angle de l’onirisme, les co-auteurs, Yuanqing Cai et Nathan Crabot, traitent astucieusement de la surpopulation urbaine par le biais d’un minuscule appartement partagé par quatre personnes, un lieu d’habitation qui évoque clairement les ‘‘maisons-cages’’ d’Hong Kong. Le récit se situe en effet dans le sud de la Chine, où il existe une surpopulation urbaine, notamment à Hong Kong. Il en découle des pressions sociales qui se retrouvent exposées tout au long du cauchemar vécu par le protagoniste du film.

Notez que l’appartement se divise en deux espaces : l’un correspond à la partie commune (cuisine, toilette), tandis que l’autre renvoie à l’espace personnel des colocataires. Force est de constater que cet espace personnel se réduit à un étroit rectangle où s’entassent le lit et tous les effets personnels. Ainsi, lorsque le protagoniste cherche à tirer sans succès le battant pour s’enfermer dans son seul refuge intime, cet échec l’empêche de s’isoler du reste du monde et en fait la proie des bruits parasites qui saturent l’espace commun. Enfin, le titre - formidablement choisi par ailleurs -, Coffin (cercueil en français), renforce le sentiment d’aliénation sociale en associant cet infime espace intime à l’image d’un cercueil où se logent solitude et frustration.

3e prix : Jules Simoes (Seconde CAV, Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), sur le film Masel Tov Cocktail d’Arkadij Khaet et Mickey Paatzsch (photo ci-dessus).

Lycéen juif renvoyé de son lycée pour avoir frappé un camarade lui ayant tenu des propos antisémites, Dima se voit obliger par ses parents d’aller s’excuser auprès de lui. Sur le trajet, il parle face caméra de la problématique d’être à la fois juif et allemand. 

Etrangement sur son chemin, Dima croise ami, professeur, grand-parent qui lui tiennent tous des discours liés à sa religion ce qu’il ne comprend pas. Pour lui son judaïsme ne décrit pas son identité. Il se sent avant tout allemand. 

Entre documentaire et interventions en aparté, le jeune homme est filmé tout au long de son chemin pour rejoindre Tobi conduisant le spectateur à réfléchir sur les différents sujets liés au judaïsme comme les horreurs de l’holocauste, le territoire d’Israël et les agressions antisémites. Les flashbacks sur l’Allemagne nazie, les camps de concentration qui sont régulièrement intégrés dans le montage appuient l’importance que cette époque semble toujours avoir de nos jours sur la vie de ce lycéen. Lorsque Dima apparaît en noir et blanc portant la kippa, il semble fragile, vulnérable, cette sensation est renforcée par le son des avions et des bombes qui semblent le survoler. Les images en couleur qui suivent contraste avec ce noir et blanc et prouve qu’il n’est pas vulnérable mais qu’il doit malgré tout, toujours lutter à cause de son identité religieuse dans le pays berceau du nazisme, même plus de soixante-dix ans après. 

Ce film allemand nous montre à quel point l’histoire d’un pays peut marquer plusieurs générations, même celles qui des années après des événements tragiques, pourraient ne plus se sentir concernées. Il nous montre aussi que l’antisémitisme est toujours présent et qu’il faut encore lutter pour faire accepter les particularités de chacun. 

Les critiques sont aussi à visionner, lues par leurs auteur(e)s, en version vidéo sur le site de l’opération.

À lire aussi :

- Les critiques primées en 2021 par les jurys des autres catégories (Collège, Lycée professionnel, Lycée d’enseignement général et technologique).

- Les lauréats du concours de la jeune critique 2020.