Festivals 25/06/2020

Le concours de la jeune critique du Festival de Clermont-Ferrand 2020

Chaque année, le Festival de Clermont-Ferrand organise le concours de la jeune critique. Partenaire de l’opération, nous publions les textes retenus par les différents jurys pour leur Grand prix, à commencer par notre propre (double) choix dans la catégorie “Section cinéma”.

La tradition est désormais bien ancrée au Festival de Clermont-Ferrand, où le public scolaire est invité à voir des courts métrages, à rencontrer des réalisateurs et à s'adonner à l'exercice de la critique, à travers un Concours de le jeune crirtique qui connaissait en 2020 sa 22e édition. La crise sanitaire qui a suivi la manifestation auvergnate n'a pas empêché tous ces rédacteurs en herbe de s'exercer et pas moins de 610 textes sont arrivés jusqu'aux organisateurs (pour 27 établissements et 7 académies représentées). Les meilleurs ont été retenus et récompensés lors d'une remise de prix virtuelle inédite, chaque lauréat ayant aussi pour l"occasion lu sa critique dans une petite vidéo maison (suivre à cet effet les liens nominatifs). Bravo à toutes et tous !

Catégorie Section cinéma :

Petite anatomie de l’image d'Olivier Smolders (programme spécial du Festival du court métrage 2020)
par Chloé Elek du Lycée Louis-Armand de Chambéry (Savoie).

Entre fascination des gisants éventrés et admiration de chefs-d’oeuvres d’anatomistes florentins du XVIIIe siècle, Petite anatomie de l’image d’Olivier Smolders plonge le spectateur dans la contemplation de mannequins en cire… d’anatomie, aussi beaux qu’effrayants. 

Cependant, cette position d’abandon, cette immobilité, mais surtout ces boyaux découverts font furieusement penser à des cadavres, victimes d’un meurtrier sadique. Guidé par les intertitres, le spectateur pourrait être plongé dans un monde glauque. Pour autant, le film ne traduit pas une fascination de l’horreur. Il amène au contraire une réflexion sur l’angoisse de la mort, mais aussi sur le sens de la vie, ou le désir.

Dans ce même élan d’exploration de la machine humaine qui a inspiré la réalisation de ces mannequins, le réalisateur découpe son image, redessine ces corps, les déplie, les décompose plus encore. Il forme alors des êtres improbables, aussi étranges et perturbants que beaux et parfaitement symétriques. Cette fragmentation et cette répétition d’images découpées d’êtres humains eux-mêmes disséqués qui défilent hypnotisent le spectateur, l’empêchent de détourner les yeux, traduisant la fascination qu’exercent ces mannequins de cire. À travers le jeu de miroir de l’image, Olivier Smolders interroge également le rapport que nous entretenons avec ce corps si souvent disséqué et exposé sans pudeur dans notre monde d’images.

Partant d’une observation distante comme pourrait l’être celle d’un visiteur de musée, notre regard se rapproche de ces cires anatomiques et réalistes, et finit par en découvrir une vision plus abstraite, nous renvoyant de façon ironique à des questions métaphysiques comme celle de l’existence de Dieu, et du mythe de notre création.


 

Ex-aequo, critique vidéo de Mémorable de Bruno Collet (Prix du public du Festival du court métrage 2020)
par Manon Durando et Éléonore Saillant, du Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).


Catégorie Collège :

Frontiera d'Alessandro Di Gregorio (compétition internationale du Festival du court métrage 2020, photo ci-dessous)
par Sasha Denis-Raymond du Collège Henri-Pourrat de Ceyrat (Puy-de-Dôme).

Le film joue sur l'attente et le suspense. Rien que le titre. Quelle est cette frontière ? Une frontière entre le bien et le mal, entre la vie et la mort. On nous parle de ces hommes et enfants qui périssent dans le seul but d’avoir une vie meilleure. Car oui, il s'agit bien de migrants qui fuient la guerre, la pauvreté, la misère du monde et que nous ne voulons pas toujours accueillir.
Deux personnages nous sont présentés, un garde-côte, vêtu de blanc, et un jeune homme vêtu de noir dont nous ignorons le métier. Et nous sommes à sa place, nous ne savons pas non plus à quoi nous attendre. L'arrivée sur l'île est filmée à leur propre rythme, on ressent leurs battements de cœur, leur stress comme si pour eux démarrait une descente aux enfers.

Un montage alterné est utilisé durant toute la première partie du film. À plusieurs reprises, le réalisateur nous dévoile des plans larges sur des zones désertiques et une chaleur écrasante nous happe comme si nous étions dans un désert immense où l'on peut se perdre et ne jamais revenir. Ce montage permet également d'accentuer ce que ces hommes doivent affronter dans leur métiers. A maintes reprises, nous apercevons la silhouette brillante d’un homme, celle-ci va attirer l’attention des deux jeunes hommes et va les réunir dans le champ de la caméra dans un ultime geste pour sauver le peu d'humanité qui reste à sauver dans leur journée de travail qui est, hélas, ordinaire. Ce court métrage nous montre l’atrocité de ce voyage entre ces frontières sans paroles car celles-ci ne seraient pas assez fortes.

Catégorie Lycée professionnel et Lycée agricole :

Zombies de Baloji (compétition Labo du Festival du court métrage 2020, photo ci-dessous)
par Alice Lucet du Lycée professionnel et agricole de Rochefort-Montagne (Puy-de-Dôme).

Dans ce court métrage atypique, le réalisateur a voulu montrer sa perception de la société du XXIe siècle et de la nouvelle génération ultra-connectée. Nous voyons vivre des personnes dans le monde réel qui se transforment totalement dans le monde de la nuit. Elles deviennent des “zombies” qui changent de look et de personnalité. Elles se filment en train de danser en discothèque.

La musique, interprétée en langue traditionnelle congolaise, joue un rôle essentiel car les paroles des chansons, extraites de l’album de Baloji “137 avenue Kaniama”, accompagnent sans cesse les images et les mouvements des personnes.

Le court-métrage dénonce aussi les dysfonctionnements de la société de consommation dans laquelle nous vivons, les problèmes liés au réchauffement climatique et les tonnes de plastique et de déchets qui nous entourent.

Baloji est un réalisateur et rappeur engagé qui veut interroger notre comportement ultra-connecté qui nous exclut du monde alentour. Il y a une forme de narcissisme qui est bien montrée dans ce court-métrage vis-à-vis de la nouvelle technologie. Il faut toujours afficher sa vie, il n’y a plus de pudeur ni de jardin secret.

Enfin, le générique de fin reste dans l’“univers décalé” du réalisateur et montre l’aberration de la société d’aujourd’hui.

Catégorie Lycée d’enseignement général et technologique :

Miss Chazelles de Thomas Vernay (compétition nationale du Festival du court métrage 2020, photo ci-dessous)
par Maël Brugière du Lycée Lafayette de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

Qui est la plus belle, Clara l’eau de rose ou Marie la sublime fleur bleue ? 

Dans ce court métrage, Thomas Vernay veut dénoncer un monde gouverné par les hommes, où les femmes doivent être les plus belles pour obtenir un peu de considération et n’ont pas le droit de se désirer. Elles sont obligées de rester “à leur place”. 

Marie est élue Miss Chazelles et Clara première dauphine. Deux camps s’opposent : la famille de Marie et les amis de Clara qui se méprisent l’un et l’autre. Tandis que la tension monte entre les deux camps, on découvre l'attirance réciproque de ces deux jeunes femmes au-delà de toutes codifications sociales, du genre, de ce que leur modeste milieu rural semble conditionner. Le film possède d’ailleurs un aspect documentaire et l’on est pas surpris d’apprendre qu’il est tourné à Chazelles-sur-Lyon dans le village d’enfance du réalisateur.

Tous les éléments d’un conte de fée sont présents. D’un côté, la princesse, le dragon et ses émissaires : Marie, son père et les jumeaux. De l’autre, le “chevalier”, ici une femme, sa garde et leurs chevaux : Clara, ses amis et les moto-cross.

Le court métrage est filmé en format 4:3 pour resserrer le champ de vision sur le visage de Clara – souvent en gros plan – et ses émotions, ou pour passer en caméra subjective et donc à un point de vue féminin. Ces femmes essayent de sortir des codes – mais ne peuvent pas, empêchées par les hommes. Au final la caméra “témoigne”, “enserre” et le réalisateur réussit à faire son message et à montrer une triste vérité.

À voir aussi :

- Mémorable de Bruno Collet, en ligne actuellement sur Brefcinema.

À lire aussi :

- Le palmarès du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand 2020.