Festivals 17/06/2021

60 ans d’Annecy : Serge Bromberg se souvient

Directeur artistique entre 1999 et 2012, Serge Bromberg est revenu sur quelques moments de son mandat dans le dernier Bref. On en avait gardé quelques autres pour continuer de fêter l’anniversaire en ligne !

Transmission
En 2010, je programme Moi, moche et méchant en ouverture. Le coréalisateur Pierre Coffin vient me voir et me dit : “Tu sais, tout ça, c’est à cause de toi. Le fait que le film existe. Car si je n’avais pas regardé tes émissions [Cellulo, sur la 5], je n’aurais pas eu le goût de faire de l’animation, je n’aurais pas fait d’école, je ne serais pas allé chez Illumination, et je n’aurais pas fait le film. C’est toi qui as planté la graine.” Et au fond, j’ai toujours considéré mes travaux comme une forme de transmission. On n’est que des passeurs.

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Déluge
On a passé un film sur le Pâquier, un soir, sous le déluge. J’étais avec Peter Lord et il pleuvait tellement : les parapluies ne tenaient pas. Mais j’avais pour politique de projeter, même si on passait les films pour les grenouilles… On a donc maintenu la séance. Cette présentation devant 12 personnes qui étaient plus que trempées – on se serait cru sous une douche ! –, c’était génial, car surréaliste et improbable.
 
En musique
Lors d’une soirée de clôture, déguisé en maharadjah, j’ai fait le numéro de dressage de Gertie le dinosaure – de Windsor McCay – accompagné de David Silverman, le réalisateur des Simpsons, au tuba. Le premier jour du festival, Silverman m’avait dit qu’il en jouait, je l’ai donc embringué pour jouer sur scène avec moi !

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Diamant
Dans un festival, le directeur artistique est très exposé, très sollicité, il court tout le temps. Au bout de quelques jours, on fatigue… Je me souviens d’un matin où Canal+, qui était partenaire du Festival à l’époque, voulait absolument faire une interview et le seul moment qu’on avait trouvé, c’était à 7h du matin… Je pressens que la journaliste n’a rien préparé, qu’elle a fait la fête toute la nuit elle-aussi. Je suis mal réveillé, j’ai peu dormi, j’ai un soleil rougeoyant en pleine figure, et je passe un très mauvais moment. Et là, la journaliste me demande : “Alors, monsieur Bromberg, pour vous l’animation, c’est quoi ?”…
J’ai envie de l’envoyer balader, mais à la place, j’ai senti une réponse naître en moi. Avant même de savoir ce que j’étais en train de répondre, je m’entends dire : “L’animation, pour moi, c’est des indépendant, des studios, des courts, des longs, de l’image par image, de l’ordinateur… C’est un diamant avec des centaines de facettes et elles ne peuvent pas toutes briller en même temps. Mais on a besoin de chacune pour faire le diamant animation”. J’avais presque l’impression que quelqu’un d’autre avait parlé à ma place. Mais c’est poétique, non ? Et le Festival d’Annecy doit tourner le diamant dans tous les sens pour qu’à la fin du festival, toutes les facettes aient eu l’occasion de briller.

Propos recueillis par Marie-Pauline Mollaret

Photos :
1. Serge Bromberg avec le jury du festival en 2004.
2. Serge Bromberg et Roy Disney en 2000, pour le 40e Festival d’Annecy.

À lire aussi :

- Portrait : André Martin, le fondateur.

- Entretien : Mickaël Marin, directeur du festival depuis 2018.