Festivals 15/06/2021

60 ans d’Annecy : le festival aujourd’hui et demain

Publié dans Bref n°126 sous une forme à peine plus resserrée, cette interview de Mickaël Marin, directeur du Festival d’Annecy depuis 2018, évoque les différents enjeux qui attendent la manifestation dans les années à venir.

 

Quel bilan dressez-vous de l’édition 2020 qui s’est déroulée entièrement en ligne ?

Quand on a commencé à préparer cette édition, c’était un saut dans l’inconnu, car jusque-là nous avions seulement quelques contenus en ligne, et pas tout un festival ! D’autant que tout s’est organisé en deux mois. On peut donc être satisfait du résultat, même si tout n’était pas parfait d’un point de vue technique. Le plus important, c’était de faire en sorte qu’on parle des films et que les professionnels et les festivaliers puissent échanger. Cette dimension numérique était d’ailleurs dans nos projets depuis plusieurs années. Nous y avons été obligés par la force des choses : tant mieux, parce que ça nous permet d’envisager les prochaines éditions autrement.  Pour l’instant, nous faisons le pari d’une édition physique pour 2021, avec les contraintes qui seront celles du mois de juin, mais nous avons désormais la capacité d’enrichir l’édition physique par des contenus en ligne et de proposer ainsi une offre hybride.

Où en est le projet de cité du cinéma d’animation sur le site du haras ?

Le projet a été confirmé définitivement par la nouvelle majorité municipale et devrait voir le jour en 2023 ou 2024. Il comportera un espace permanent d’exposition qui permettra aux visiteurs d’appréhender ce qu’est le cinéma d’animation, une salle de projection de plus de 300 places et un très grand espace où se tiendra chaque année une exposition d’envergure sur l’animation. Un bâtiment sera par ailleurs consacré à la résidence d’artistes que nous avons créée cette année et qui accueillera des projets de longs métrages animés. Enfin, il y aura un plateau complet dédié à l’éducation à l’image. Cela mettra un éclairage primordial sur ces actions dont les enjeux sont très forts aujourd’hui, notamment dans l’idée d’une reconquête du public jeune, à envisager conjointement avec les salles.

 Quels sont les défis et les enjeux pour le Festival à moyen terme ?

Je pense que notre festival, comme les autres d’ailleurs, doit prendre en compte les sujets qui animent la société telles que les questions d’éco-responsabilité, de diversité, d’inclusion, de parité... Nous voulons être un établissement public engagé et citoyen. Le festival est une parenthèse enchantée, un accélérateur de lien social, mais cela ne doit pas nous empêcher d’être conscients des problématiques qui nous entourent. 

 Nous avons aussi des enjeux de croissance. Tout cela est actuellement au ralenti, et je ne sais pas quand nous retrouverons une “vitesse de croisière”. Mais lorsqu’on a annulé l’édition physique 2020, nous avions déjà dépassé les chiffres de fréquentation de 2019. C’est bien de battre des records, mais nous voulons favoriser la qualité à la quantité en réfléchissant aux meilleures manières d’accueillir les festivaliers dans des conditions durables. Ce sont des enjeux très concrets de salles, de transports, d’hébergements…

Il y a aussi bien sûr toujours pour nous la nécessité absolue de garder un équilibre entre la production indépendante et celle des studios, le court et le long métrage, la série, les films de fin d’études… C’est un équilibre compliqué, mais je crois que nous arrivons à le tenir, même si ce n’est pas parfait. Annecy doit être un lieu de discussion, d’échanges, de révélations et de prospective. C’est d’autant plus compliqué qu’il y a un contenu qui explose en terme de production. Nous devons arriver à faire de la place à tous. Il faut aussi réussir à faire cohabiter tous les publics sans créer de frustrations de parts et d’autres.

Historiquement, le court métrage a toujours été très important à Annecy, est-ce que cela va continuer ?

Bien sûr ! Nous avions prévu de développer beaucoup de choses au marché du film cette année, avec notamment un espace dédié au court métrages. Il y aurait aussi dû y avoir des projections de courts en plein air au Haras. On comprend les interrogations de la part des festivaliers et des professionnels. C’est vrai, le long métrage prend de la place : en terme de durée, mais aussi médiatiquement. Nous montrons un énorme volume de films en une semaine, et forcément c’est un exercice difficile de donner le bon écrin à chacun. Mais pour nous, il n’y a pas de débat. Tout ce qu’on pourra faire de nouveau pour valoriser le court métrage et les artistes, on le fera. De manière générale, nous voulons montrer ce qui impacte l’art et l’industrie. L’animation est trop diverse pour faire des choix dogmatiques. Il y a des gens qui créent, qui font avancer technologiquement l’art, qui expérimentent : Annecy est le lieu où montrer toutes ces formes d’animation et permettre aux débats d’exister, ce qui est notre rôle absolu.

Propos recueillis par Marie-Pauline Mollaret

Portrait de Mickaël Marin : © Annecy Festivals / S. Matter.
Photo salle : © L. Gouttenoire / CITIA.
Photo clôture 2019 : © Annecy Festivals /E. Perdu.

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