Sauvage jeunesse : Vasílis Kekátos du court au long
Après le succès de ses courts métrages Le silence des poissons mourants et La distance entre le ciel et nous (Palme d’or du court métrage à Cannes en 2019), le jeune réalisateur grec Vasílis Kekátos signe un premier long électrique et sensuel, Nos jours sauvages, qui sera à voir en salles à partir du 8 octobre prochain, sous les couleurs de Condor Distribution.
Récompensé par la Palme d’or du court métrage en 2019, La distance entre le ciel et nous décrivait une rencontre entre deux hommes sur une aire de parking. Une longue séquence de première vue et de séduction nocturne, toute en gros plans qui oscillait entre provocation, désir et romantisme queer.
Dans ce film court, le réalisateur grec Vasílis Kekátos filmait un homme ouvertement gay (Nikolakis Zeginoglou) abordant un client de station-service, un jeune motard moustachu (Ioko Ioannis Kotidis), aux traits androgynes, à la beauté perdue des anges. Sous prétexte de trouver l’argent qui lui permettrait de rentrer à Athènes, le premier multipliait prétextes et angles d’attaque : séduire, mendier ou les deux à la fois. Ces bohémiens du désir finissaient par enfourcher une 1 000 cm³ dans une position improbable, la tête au vent, sur une reprise lointaine de I Surrender.
Avec Nos jours sauvages, son premier long métrage, Kekátos reprend cette vibration initiale pour la déployer dans un road-movie à bord d’un immense camping-car. Le film suit l’errance d’une bande de jeunes, capte sur le vif leur fougue, leurs dérives, leurs flottements. Moins queer dans son propos, il n’en garde pas moins l’ambiguïté, notamment lors d’une longue scène de sexe où Ari (toujours interprété par Ioko Ioannis Kotidis), dans un rôle plus hétéronormé, prête son corps à Chloé (Daphné Patakia) pour un anulingus qui renverse la dynamique habituelle du regard.
Là où La distance entre le ciel et nous restait une parenthèse nocturne, Nos jours sauvages se fait un voyage, une traversée pour capter sur le vif l’esprit et la fougue de la jeunesse. Rien de spectaculaire, mais c’est peut-être là le meilleur de ce que propose ce long métrage : quand il quitte ses oripeaux fictionnels (chargés d’intentions et d’explications) et rejoint la forêt aux esprits agités, tourmentés, dans une forme documentaire quasi expérimentale du capté-tourné ou du cinéma vérité. Le réalisateur l’affirme : tout (le scénario) était écrit. Néanmoins, on le sent, il a vampirisé les âmes de ses acteurs, à la manière d’un Abdellatif Kechiche. Peu importe alors l’histoire – qu’ils volent ou se perdent en amours éphémères – car ce que réussit Kekátos relève de l’inconscient du cinéma : donner à voir, dans un temps suspendu, ces moments où circulent les jours sauvages, les regards complices, les corps dispersés comme des ombres dans la nuit.
Quant au premier court métrage de Kekátos, au beau titre du Silence des poissons mourants (2018), il flirtait avec les frontières de l’absurde : un matin, Makis, employé dans une exploitation piscicole, découvrait dans le journal l’annonce de ses propres obsèques. Comme quoi, de film en film, Kekatos n’a eu de cesse de filmer les fantômes.
À voir aussi :
- Un moyen métrage grec disponible sur Brefcinema : Electric Swan de Konstantina Kotzamani.