Extrait
Partager sur facebook Partager sur twitter

Electric Swan

Konstantina Kotzamani

2019 - 40 minutes

Espagne, France, Argentine et Grèce - Fiction

Production : Ecce Films

synopsis

Les immeubles ne sont pas censés bouger. Mais sur Avenida Libertador 2050, un immeuble bouge et le plafond frissonne, provoquant une étrange nausée qui dévore ses habitants. Ceux qui vivent au sommet ont peur de tomber et ceux qui vivent en dessous ont peur de se noyer.

Konstantina Kotzamani

Née le 29 avril 1983 à Komotini, dans le nord-est de la Grèce, Konstantina Kotzamani est diplômée du département cinéma des Beaux-Arts de Thessalonique.

En 2011, elle réalise son premier court métrage : Pigs. Ses films ont vite été présentés dans les festivals, y recevant de nombreux prix. Washingtonia (2014), son cinquième court, a entamé sa carrière à la Berlinale avant d’être montré dans plus de 120 festivals internationaux.

Son film suivant, Limbo (2016), se voyait sélectionné à Cannes, dans le cadre de la Semaine de la critique. En 2019, la réalisatrice signait un moyen métrage, Electric Swan, pour lequel elle obtenait, entre autres, le Prix du meilleur court métrage remis par le Syndicat français de la critique de cinéma.

En 2024, elle signe un nouveau moyen métrage, d'une durée de 53 minutes, à nouveau produit par Ecce Films : What Mary Didn’t Know. Elle aborde alors le cap du premier long métrage en développant Océan Titanic, coproduction entre Grèce, Allemagne, France (via Manny Films, cette fois), Roumanie et Espagne.

Critique

En arrière-plan, on devine des tranches de bâtiments qui ressortent d'un parc luxuriant, l'urbanisme qui se mêle étroitement à une nature touffue. Des coupoles de béton grises narguent la verdure des arbres. Incongruité et envoûtement sont les maîtres mots du film de la jeune cinéaste grecque Konstantina Kotzamani. 

Dans son quotidien de gardien d'immeuble cossu à Buenos Aires, Carlos - joué par le génial Juan Carlos Aduviri - fait respecter la sécurité et le bien-être des habitants. Rigoureux et impassible, il est aussi témoin de petits épisodes drôlement surréalistes, comme des objets qui s'animent tout seuls : cet aspirateur qui tourne sur lui-même, ce dog-sitter submergé par des chiens attachés à sa taille ou cet autre concierge, numérique et ubuesque. Dans l'image, on escamote la rencontre ; il y a toujours une frontière ou un heurt qui se crée entre les hommes. Carlos doit également faire face aux désarçonnantes demandes des occupants, déphasés du monde réel, ceux qui s'émancipent de tous les inconforts (par exemple, euthanasier un chien). Une énigmatique fuite d'eau se profile, elle fait craqueler à la fois les murs et le vernis des apparences. Multiprimé en festivals, Electric Swan mêle joliment le quotidien d'un gardien d'immeuble argentin, strié de séquences pénétrantes et atmosphériques, à la magie se logeant dans les jours qui passent. 

Dans cette allégorie politique et esthétique sur la lutte des classes au sein d'une infrastructure bétonnée, on pense aux écrits de Ballard, notamment High-Rise, où les paysages cimentés modifiaient nos perceptions. La réalisatrice use d'une verve satirique proche de celle de Parasite de Bong Joon-ho, où les catégories sociales se retrouvent compartimentées par niveaux, les plus aisés en haut, dans les appartements spacieux et chaleureux, et Carlos, dans le sous-sol, grisâtre, humide et suintant. Sur les hauteurs, l'immeuble tangue. Les riches, les privilégiés, ceux d'en haut, ont-ils peur d'être délogés” 

En bas, l'eau afflue comme si la montée des océans due au réchauffement climatique avait déjà amorcé sa course folle. L'eau, ce liquide miroitant, est d'ailleurs un motif récurrent chez Kotzamani : ici, le petit lac jouxtant les habitations ; ou encore cette bourgade plongée sous les eaux dans Limbo (2016), récit halluciné dans un village d'enfants accompagnés non pas d'un cygne, mais d'une baleine. Si nos existences se retrouvent ballotées, Kotzamani préfère s'attarder sur la beauté de l'étrange : une danse languissante sur un ballet de Tchaïkovski, une entêtante version electronique du Carnaval des animaux de Saint-Saëns ou encore la métamorphose des corps mythologiques. La photographie caressante laisse une question rêveuse etdickienneen suspens : les citadins rêvent-ils de cygnes électriques ? 

William Le Personnic ­

Réalisation et scénario : Konstantina Kotzamani. Image : Romain Kasseroller. Montage : Smaro Papaevangelou. Son : Virginie Scaro, Persefoni Miliou et Simon Apostolou. Interprétation : Juan Carlos Aduviri, Nelly Prince, Elisa Massino, Nikita Zuckerberg et Susana Pampin. Production : Ecce Films.