En salles 03/06/2018

“Retour à Bollène”, un retour aux sources à ne pas manquer

C’est un excellent premier film – d’une durée atypique d’une heure et sept minutes – qui est à voir au cinéma cette semaine, signé d’un jeune producteur ayant déjà beaucoup œuvré dans le court métrage.

Le nom de Saïd Hamich, né en 1986, est familier de ceux qui suivent l'actualité du court métrage et du jeune cinéma en général, mais Retour à Bollène est bien son premier film, l'expression étant pour une fois non galvaudée. Mais si on le connaît, c'est en effet d'abord aux rênes de nombreuses productions de la société Barney, notamment sur les réalisations de Walid Mattar jusqu'au récent Vent du nord, mais aussi à travers, par exemple, Zakaria de Leyla Bouzid ou Bêlons d'El Mehdi Azzam.

Dans Retour à Bollène, il suit Nassim, un trentenaire ténébreux qui revient avec sa fiancée – américaine et rousse – dans la ville de son enfance et de sa jeunesse, alors qu'il vit et travaille désormais à Abu Dhabi, opulente mégapole des Émirats arabes unis, donc à mille lieues de cette petite ville du Vaucluse économiquement sinistrée et qui compte moins de 15 000 âmes. L'un des choix très judicieux de l'écriture est d'avoir posé, en toile de fond, le contexte de domination municipale d'une “Ligue du Sud” mystérieuse, mais aisément identifiable en ces terres où le FN fait son miel à chaque échéance électorale. Mais le scénario est d'une sobriété et d'une mesure remarquables, ne reproduisant aucun cliché inhérent parfois à un sous-genre qui semble avoir peu à peu émergé au sein du cinéma français lié à la représentation des secondes ou troisièmes générations issue de l'immigration nord-africaine.

Certes, les traditions, la religion et le fossé possible entre parents et enfants (Nassim est irrémédiablement brouillé avec son père, ouvrier agricole taciturne) tracent des lignes de force dans le film, mais avec une permanente intelligence dans le recul et une capacité à émouvoir simplement, sans le chercher à tout prix. La confrontation de Nassim avec l'endroit dont il vient – sa famille, son milieu social, la ville même – est d'un point de vue intime comme de façon symbolique très violente, sinon sismique, ce qui est une sacrée gageure à relever sur une durée d'à peine une heure... 

On notera que la belle image – pleine de mélancolie – du film est signée Adrien Lecouturier, dont Saïd Hamich a produit le court métrage Angel et Jeanne en 2014 (et qui a cosigné avec Emma Benestan Un monde sans bêtes plus récemment), tandis que son montage a été assuré par Xavier Sirven, dont le très bon court comme réalisateur, Not K. O. (2016), a également été produit par Barney.

Christophe Chauville