“Quartiers lointains” entre en résistance(s)
Le programme 2024 de “Quartiers lointains” sera à l’affiche des salles à partir du 25 septembre. Il est intitulé, pour sa 8e saison, Résistances et réunit en 1h22 des œuvres venues des quatre coins du continent africain, en l’occurrence du Niger, d’Éthiopie, du Sénégal et d’Égypte. Brefcinema se réjouit d’être partenaire de cette sortie qui met en lumière, à travers des thématiques fortes et très actuelles, des cinématographies trop souvent laissées dans l’ombre.
“On a souvent parlé de résistance quand il s’agissait de guerre, civile ou militaire. Mais la révolte de fait, l’insoumission face à ce qui nous est imposé dans un cadre familial, politique, religieux ou culturel est aussi une forme de résistance. Qu’ils soient basés au Nord, à l’Est ou à l’Ouest du continent, les protagonistes de cette huitième saison de Quartiers lointains abordent de manière politique et poétique plusieurs formes de ténacité et d’insurrection envers l’ordre établi.” On n’a pas l’habitude de reproduire ici des synopsis in extenso, mais celui-là apparaît particulièrement utile pour éclairer les motivations ayanr présidé à la confection de ce nouveau programme proposé par Sudu Films et sa créatrice Claire Diao.
On y retrouve Astel de Ramata-Toulaye Sy (photo de bandeau), qui a connu une belle trajectoire dans les festivals avant que sa réalisatrice, ancienne pensionnaire (en scénario) de la Fémis, passe au long plutôt rapidement, à travers Banel et Adama, présenté en compétition officielle à Cannes en 2023. Astel met en scène une jeune adolescente dont la vie tranquille, dans une région rurale du nord du Sénégal, est bouleversée par la rencontre d’un berger, ce qui influe dans le même temps les relations qu’elle a avec son père. Une éclatante réussite, autour d’un destin féminin sur une terre d’ancestrales traditions, portée de surcroît par le travail remarquable de deux Amine : Berrada à la direction de la photographie et Bouhafa à la composition musicale.
Résistances comprend également L’envoyée de Dieu, de la Nigérienne Amina Abdoulaye Mamani (photo ci-dessus), coproduction entre Niger, Burkina Faso et Rwanda, qui suit une autre jeune fille, pour sa part piégée dans une terrible situation dramatique : enlevée sur un marché par des djihadistes, elle y est renvoyée illico, mais équipée d’une lourde ceinture explosive dissimulée sous son abaya, afin de faire le plus de victimes possibles.
La réalisatrice choisit le mode du suspense assumé, et potentiellement polémique – un peu comme pour la scène des douches de La liste de Schindler – pour évoquer le motif terroriste, lié directement à la présence de la mouvance Boko Haram en Afrique subsaharienne, dont les populations locales sont les premières victimes, comme on a tendance à l’oublier trop souvent. Reste que la petite Fatima décidera de contrecarrer les plans de ses sinistres ravisseurs, en une forme de résistance inattendue, qui émeut et qui force le respect…
The Medallion, de Ruth Hunduma (photo ci-dessus), offre plusieurs échos avec ce film, évoquant dans un registre documentaire l’itinéraire de la mère de la réalisatrice, enlevée alors qu’elle était au collège par le Gouvernement militaire provisoire de l’Éthiopie socialiste – le Derg, d’obédience marxiste –, et élevée dans un camp de prisonniers durant des années, séparée de sa famille. L’épisode historique en question demeure très méconnu en Occident et un médaillon à l’image de Néfertiti, transmis par la mère de Ruth, a valeur de fil rouge et de symbole – de force, de résilience et de nécessaire transmission aux générations suivantes.
I Am Afraid to Forget Your Face, de Sameh Alaa (photo ci-dessus), conclue la séance, fort de sa haute réputation, puisqu’il avait décroché la Palme d’or du court métrage au Festival de Cannes 2020 – cette année de Covid particulière à tous points de vue. Un jeune homme nommé Adam y décide d’enfiler un voile intégral pour se cacher et braver des interdits pour se rendre vers un but lui tenant à cœur et dont il importe de ne rien révéler ici. Un élément autobiographique de la vie du réalisateur a inspiré le récit, ayant trait à l’étau patriarcal régnant dans son pays, l’Égypte, comme ailleurs. Le sujet est fort, le film l’est tout autant…
De ces films courts venus du Sud, on retient un esprit combattif et un certain espoir au milieu des ruines, ce qui n’est pas rien. En plus de la teneur artistique des différentes propositions, ce qui représente une autre dimension, éminemment précieuse et à encourager. Le programme sera projeté en avant-première au Saint-André des Arts le mardi 24 septembre à 20h.
À lire aussi :
- Sur la saison 7 de “Quartiers lointains”, en 2023.
- I Am Afraid to Forget Your Face, lauréat de la Palme d’or du court métrage 2020.