En salles 17/03/2023

Le cinéma muet italien ressuscité

On connaît bien, désormais, le duo Céline Gailleurd-Olivier Bohler pour ses courts métrages. Il se retrouve également dans l’actualité des sorties avec son documentaire de montage Italia, le feu, la cendre, distribué par Carlotta Films.

Céline Gailleurd et Olivier Bohler s’étaient distingués il y a quelques années avec leur court métrage Dramonasc, qui avait été alors diffusé sur Brefcinema, et le tandem a signé un autre court l’an dernier, Harmony, avec Anthony Bajon et Alma Jodorowsky, sur un registre fantastique.

Entretemps, tous deux ont finalisé Italia, le feu, la cendre, un documentaire s’appuyant sur des images d’archives, issues en l’occurrence des premiers temps de l’histoire du cinéma italien, du moins celles qui sont parvenues jusqu’à nous, beaucoup ayant été détruites ou étant portées disparues (notamment durant la Seconde Guerre mondiale). C’est la période allant de 1896 à 1930 qui est ainsi visitée, avec nombre d’images d’une beauté absolument stupéfiante, l’art du film en Italie ayant alors atteint un degré de qualité encore trop peu connu, au contraire de ce qui a pu apparaître à la même époque en France ou aux États-Unis.

Jouant avec des teintes de filtres ou brutes, ces images permettent de retrouver les grandes divas de ces glorieux temps pionniers, Lyda Borelli en tête, mais aussi des extraits de films de guerre ou catastrophes, de péplums, de fantasmagories, etc. Des séquences évoquant l’enfer, par exemple, sont particulièrement impressionnantes – quoi de plus normal, somme toute, au pays de Dante ! Ce film de montage comprend aussi, au niveau de sa bande sonore, des extraits de textes de différents personnalités au sujet de l’art naissant, auxquels Fanny Ardant a prêté sa voix, et l’on peut d’ailleurs regretter à cet égard que l’option d’une polyphonie de timbres n’ait pas été privilégiée.

Reste que le projet permet de réelles découvertes, entraînant ailleurs et en un tout autre âge, avec un positionnement délibérément savant – il n’est sans doute pas évident à tout un chacun de savoir forcément qui étaient Antonio Gramsci ou Gabriele d’Annunzio. Cela n’enlève rien à la force de ce qui est montré, plus encore lorsque le bruit des bottes résonne de plus en plus fort et qu’un certain Benito Mussolini se fait de plus en plus présent à l’écran, poussant vers l’abîme toute une société et sa culture, avant que de ces cendres – mot clé du titre – naissent le néo-réalisme et le grand cinéma italien, mais c’est une autre histoire…

Christophe Chauville

 

À lire aussi :

- Un entretien avec Céline Gailleurd et Olivier Bohler à propos de Dramonasc.

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