En salles 17/03/2025

La trilogie finlandaise de Juho Kuosmanen

Le réalisateur d’Olli Mäki et Compartiment n°6 avait signé auparavant plusieurs courts métrages. Trois d’entre eux, qui se répondent étroitement, sont réunis au sein d’un programme distribué le 26 mars par Le Pacte : Les contes de Kokkola, une trilogie finlandaise. En noir et blanc, sans dialogues et avec une bonne dose d’humour et de poésie.

Les contes de Kokkola, une trilogie finlandaise se compose de trois courts métrages, ayant en outre le point commun d’être muets : Mattila le vagabond et la jolie femme (2012, 27 min), Bouilleurs de cru clandestins (2017, 16 min) et Une planète fort lointaine (2023, 17 min). Le Pacte, qui distribue dorénavant les œuvres de Juho Kuosmanen, sort le programme au cinéma, malgré sa durée atypique – 61 minutes – en une belle preuve de fidélité dans l’exposition du travail du cinéaste.

Ce dernier résume ainsi la genèse de son projet (dans le dossier de presse lié à cette insolite sortie) : “L’idée d’une trilogie a commencé à germer au début des années 2010, lorsque j’ai fait la connaissance de Heikki Kossi, ingénieur du son et formidable bruiteur. Heikki avait déménagé à Kokkola et, en échangeant avec lui, je me suis rendu compte que j’avais envie de créer une performance cinématographique où l’on verrait les bruiteurs à l’œuvre, accompagnant les films en direct sur scène, aux côtés d’un orchestre. J’ai toujours aimé les films muets et je trouve fascinant de constater que, selon la manière dont le son est associé à l’image, un langage complètement nouveau se forme. Une paire de noix de coco peut ainsi faire naître le galop d’un cheval. J’ai pensé que l’expérience serait proche de la magie et du caractère ludique des premières projections de films.” 

Le noir et blanc et l’absence de dialogues jette des ponts avec certaines pages glorieuses de l’histoire du cinéma mondial et on pense forcément, dès l’apparition du vagabond et de son clébard dans le premier segment, à Chaplin et à d’autres maîtres du burlesque, mais également aux courts métrages de Polanski au début des Sixties (voir Les mammifères et son décor enneigé quasi scandinave). Et puis, forcément, dans ce mélange de drôlerie, de tendresse et de poésie de la zone, le parrainage d’Aki Kaurismäki se pose là – on aperçoit d’ailleurs une affiche de La fille aux allumettes orner un mur du bar, à la fin du dernier film du triptyque. Citons aussi la ballade triste et mélancolique, avec accordéon et contrebasse, dans le cabaret de Mattila le vagabond

Les trois opus entretiennent plaisamment des liens : le Boudu amoureux du premier a passé l’arme à gauche au début du deuxième et ce sont ses enfants qui récupèrent son – plutôt piteux – héritage devant sa sommaire sépulture, à savoir un alambic à roues et un petit porcelet velu ! L’une des héritières est jouée par Jaana Paananen, dont la tronche aurait pu l’amener chez Jeunet première période et qui part, au gré de l’ultime aventure, dans l’espace afin de récupérer son compagnon canin disparu, nommé Bulla (et “joué” par un certain Elvis, on est rock n’roll ou on ne l’est pas !). Elle embarque dans un engin bricolé, comme chez Gondry, et se retrouve finalement au paradis, où son frangin l’a précédée. Un Eden en forme de bistrot démodé, où Marlanda s’envoie un cocktail avant que ne s’affiche à l’écran le mot “Loppu” (qui veut donc dire “fin” en finnois, comme on l’apprend ainsi…).

Christophe Chauville

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