En salles 15/10/2020

“La nuée” : Just Philippot persiste dans le genre

Après son court métrage “Acide”, Just Philippot s’oriente à nouveau vers le fantastique avec un premier long métrage qui s’abattra sur les salles à partir du 4 novembre, sous les auspices de Capricci Films.

Le cinéma de genre français a de beaux jours devant lui. Après le percutant Grave (2016) de Julia Ducourneau et avant, très prochainement, le saisissant Teddy des frères Boukherma (sortie prévue le 13 janvier 2021), La nuée poursuit ce nouvel héritage aussi vivace qu’intelligent et démontre que le registre horrifique peut s’emparer de situations intimes et de drames humains. Le premier long métrage du réalisateur tourangeau Just Philippot – arborant le label 2020 de la Semaine de la critique – est un projet collectif né sous l’impulsion de la résidence d’écriture So Film, des producteurs de Capricci Films, soutenu par l’appel à projets pour les films de genre du CNC. Entreprise originale et bien épaulée, La nuée suit la déroute d’une agricultrice (jouée par l’incandescente Suliane Brahim, de la Comédie française) élevant des sauterelles comestibles, rapidement dépassée par les injonctions sociétales et économiques. Évidemment, la catastrophe, morbide, se tapit dans l’ombre.

Avant d’être précautionneusement aiguillé par une dimension fantastique, le cinéma de Just Philippot se polarise sur le réalisme social et l’humain, comme en témoignent ses premiers courts métrages, notamment Ses souffles (2015), chronique sur la précarité d’une mère et sa fille vivotant dans leur voitureLe passage au long permet de prendre le temps de construire un décor consistant et d’approfondir la psychologie et les tourments intérieurs des personnages à l’aide de l’écriture crédible et habile de Jérôme Genevray et Franck Victor. Au cœur de chaque récit, on retrouve la thématique dela famille. Que ce soit dans le documentaire intimiste coréalisé avec son frère Tristan Philippot, Gildas a quelque chose à nous dire (2016) ou dans ses fictions, on décèle une volonté de protéger la cellule familiale mise à mal : économiquement dans Ses souffles, ou même face à un cataclysme écologique dans Acide (2018) où deux parents, dont l’acteur Sofian Khammes que l’on retrouve avec plaisir dans le long, tentent de mettre à l’abri leur enfant d’une pluie toxique.

Le fantastique, lui, surgit comme une belle passerelle pour évoquer la toxicité du monde actuel. En effet, dans La nuée, Just Philippot allie nos angoisses contemporaines (la nature déséquilibrée) aux soubresauts sociologiques (mener une ferme, élever des enfants). On pense à Take Shelter de Jeff Nichols, pour sa dimension obsessionnelle hybride, avec la France d’aujourd’hui en toile de fond, ou même au David Cronenberg de la première heure (La mouche) pour sa facture visuelle organique.

En termes de mise en scène, le cinéaste opte pour un goût du minimalisme aux grands effets : la pluie est une menace pratiquement invisible dans Acide et dans La nuée le ban de sauterelles carnivores n’est jamais aussi impressionnant que lorsqu’il se camoufle hors champ. Bien que disposant d’un budget réduit pour une production nécessitant de nombreux effets spéciaux, le réalisateur s’appuie sur notre suggestion et arrive à faire jaillir la peur avec des éléments a priori inoffensifs. Fond et forme sont constamment fouillés, recherchés. Une belle promesse, non pas seulement pour le cinéma d’horreur, mais pour tous les formats et tous les genres cinématographiques.

William Le Personnic

À lire aussi :

- Notre critique d'Acide, déjà diffusé sur Brefcinema.

- Charlène Favier du court au long : Slalom, à voir en salles le 4 novembre.