En salles 13/10/2021

De l’ombre à la lumière : Maxime Roy du court au long

Présenté en séance spéciale au Festival de Cannes, le premier long métrage de Maxime Roy arrivera dans les salles le 20 octobre. Depuis plus de trois ans, le réalisateur n’a pas chômé, enchaînant trois courts noirs et vifs, animés d’une contagieuse énergie.

Le cinéma, c’est bien connu, se fait en bandes. Et Maxime Roy, depuis toujours, a constitué les siennes. Des premières, d’acteurs, créées en sortant après l’école de cinéma (en l’occurrence l’ESRA), avant de composer, en 2017, cette “famille” proche et professionnelle, réunissant notamment François Creton, Gall Gaspard et Clara Ponsot. C’est en travaillant avec eux, aussi bien à l’écriture qu’au jeu, que le jeune cinéaste a fondé son cinéma, à la lisière de la fiction et du documentaire.

C’est d’abord Michel, le double de fiction de l’acteur François Creton, qui détonne à l’ouverture de Beautiful Loser. Un plan-séquence comme un cri, pour raconter son parcours d’ancien alcoolique et junkie, son futur de jeune père, la construction de sa vie d’après, se ressourçant à l’énergie du phœnix. Si le rock alternatif des années 1980 tendance Wampas/Bérurier noir se matérialisait en film contemporain, il s’appellerait Beautiful Loser, avec ce beau personnage traversé d’émotions vives, qui doit sans cesse composer avec ses fragilités pour en tirer sa force.

À travers ses films courts, Maxime Roy dépeint des personnages en transition. Parfois littéralement, comme cet homme (Jackie Ewing) sur le point de devenir femme dans Sole mio. Comme dans Beautiful Loser, c’est une nouvelle fois le fils — à savoir Daniel, interprété par Gall Gaspard — qui doit prendre en charge les irrésolutions adolescentes d’un père. Dans Des gens bien (photo ci-dessus), c’est au tour de Manon, jeune chanteuse en lutte contre l’administration, à être prise entre deux feux de vie. Des galères passagères, espère-t-on. Car, aussi réalistes, vraisemblables et cruels, parfois, soient les récits du cinéaste, il y aura toujours de la douceur, de l’énergie et de la lumière pour rééquilibrer la noirceur quotidienne, redonner un horizon plus clair.

Au cours des premiers pas de cinéma de Maxime Roy, on a souvent convoqué en référence Ken Loach pour évoquer la dimension sociale et quotidienne de ses films. On a peut-être oublié alors leur sensorialité, cette manière unique qu’a le jeune cinéaste d’ancrer ses personnages dans des périphéries urbaines qu’ils traversent en moto par les petits matins d’hiver, la saisie fugace des regards tendres et les moments de fête, de chants, d’éclats d’humour, de danse et d’énergie brute. On sort d’un film de Maxime Roy avec l’envie folle de résister face à l’adversité.

Avec Les héroïques, son premier long métrage (qui sort en salles le mercredi 20 octobre, après avoir été montré en séance spéciale au Festival de Cannes 2021), le cinéaste reprend la trame de Beautiful Loser pour lui redonner une ampleur inédite. Michel, dans sa reconstruction intime, va finalement trouver le chemin de l’âge adulte en apprenant aussi à devenir le fils d’un père interprété avec la vive émotion des héros fatigués par Richard Bohringer. En développant son récit entre hiver et printemps, entre ombre et lumière, en le ramifiant par de nouveaux personnages secondaires, Maxime Roy donne à ses “Héroïques”, ces invisibles du quotidien, une présence inoubliable.

Bernard Payen


Filmographie de Maxime Roy :
Même pas mal (long métrage coréalisé avec Jérémy Trequesser, 2013, 1h32)
Beautiful Loser (2018, 24 minutes 30, à voir actuellement sur Brefcinema)
Sole mio (2019, 22 minutes)
Des gens bien (2020, 30 minutes)
Les héroïques (long métrage, 2021, 1h39)

À lire aussi :

- Des gens bien, présélectionné au César 2022 du meilleur film de court métrage.

- Les héroïques projeté au Festival Jean-Carmet de Moulins 2021.