Un monde violent : Maxime Caperan du court au long
Les deux courts métrages de Maxime Caperan ont été appréciés ces dernières années sur notre plateforme. Son premier long sera à voir au cinéma à partir du 29 janvier, distribué par UFO. Produit par les Films du Clan, il met en scène – et face à face – un duo de frères joués par Kacey Mottet Klein et Félix Maritaud.
Un monde violent : le titre du premier long métrage de Maxime Caperan, à découvrir en salles à partir du 29 janvier 2025, est presque programmatique. Nul n’est sans savoir qu’il s’applique d’un point de vue général, spécialement depuis quelque temps, et aussi particulièrement à celui, plus restreint, dans lequel évolue le duo de ses principaux protagonistes, deux frangins prénommés Sam et Paul.
Le premier a trouvé au deuxième, son aîné sortant de prison, un emploi de magasinier dans l’entrepôt où il travaille à ce poste. Tous deux saisissent une opportunité de braquage de camion transportant des smartphones, caressant le rêve de sortir de leur précaire condition, mais le coup tourne mal : le chauffeur est retrouvé mort et l’engrenage de la violence va bientôt les submerger.
Sans beaucoup de moyens, de toute évidence, le jeune réalisateur s’attache à relever le défi du film de genre, celui d’une chronique provinciale de la petite délinquance, où des prolos rêvent d’une vie meilleure – avec ici la République dominicaine et Punta Cana comme symbole iconique d’une existence pleine et aisée, délivrée des inquiétudes du lendemain. L’ailleurs, où l’eau serait plus bleue, comme un motif éternel pour le 7e art, qui affleurait déjà au long du premier court de Maxime Caperan, Les guerriers, il y a tout juste dix ans (photo ci-dessous).
Kacey Mottey Klein, avant Sam, jouait déjà Thomas et, faute d’un “braquo” perpétré avec son grand frère, touchait à des petits trafics de dope avec son meilleur pote. L’objectif était plus modeste : quitter leur coin de Bretagne pour mener la grande vie à Paname. À Guéret, au fin fond de la Creuse, Sam et Paul (Félix Maritaud) se sentent coincés dans de comparables impasses, et les deux films sont comme des jumeaux, avec un même co-scénariste (Thomas Finkielkraut), une même directrice de la photo – douée (Éva Sehet), et une société de production fidèle (les Films du Clan).
Stabilité d’équipe et cohérence du parcours avec, entre temps, un autre court mené à bien ensemble : Pornstar (2019). Soit le portrait d’une star du X revenant aux affaires après cinq ans de pause, sans doute après avoir constaté l’impossibilité de mener une vie dite normale après cette expérience étalée sur le Web. Et l’esquisse, en note d’espoir dans cet univers crasseux, d’une sororité bâtie avec deux jeunes collègues galérant comme elle sur un salon de charme, comme en reflet inversé des tandems masculins des Guerriers et d’Un monde violent. Des récits où la masculinité est problématique, qui empêche le jeune Thomas d’avoir une relation avec une fille qui lui plaît pourtant, plus habitué au virtuel du porno en ligne qu’à la réalité tangible, et qui, plus largement, ne peut passer par la norme, mais franchit le Rubicon des limites de la loi, pour une liberté à conquérir qui reste aléatoire.
Si le départ est une possibilité dans le court, l’horizon n’est plus guère ouvert dans le long. Il faut dire que dix ans ont passé et que le réalisateur a sans aucun doute, tout comme l’époque, changé. Reste que le sentiment de déclassement de cette France périphérique ainsi représentée s’est creusé, devenant le terreau désigné de faits divers relevant du registre du film noir. Parfois quelque peu fragile dans sa narration, certes, Un monde violent n’en est pas moins un témoignage, y compris politique (et ce, presque malgré lui). Ce n’est pas rien.
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