Cahier critique 03/10/2023

"Pornstar" de Maxime Caperan, Thomas Finkielkraut

Après plusieurs années d’absence, une ancienne star du X décide de faire son come-back lors d’un salon de l’érotisme. Mais entre l’échec de sa vie personnelle, un corps qui n’est plus celui de sa jeunesse et les changements profonds qui ont touché le milieu, les doutes l’assaillent.

Une femme se regarde dans un miroir. Avec la gravité que ce face-à-face implique d’être face à soi-même, à son propre corps, à sa propre intimité et à sa propre histoire. Chloé n’arrivait pas jusque-là à regarder ce miroir, elle respirait fort devant ce lavabo, dans ses toilettes aux lumières mauves. Et puis l’entrée de cette jeune femme blonde en combinaison de latex rouge et noire avec masque, a fait basculer la scène dans l’insolite, lui a arraché un sourire et la force de se regarder en face.

Pornstar. Tout le film semble être contenu dans ce mot un peu choc. Il raconte bien sûr la femme qui vend son corps, exprime assurément une forme de violence de cette exposition au regard des hommes. Mais le titre raconte moins ce que le film exprime à travers le portrait. Pornstar raconte l’histoire d’un come-back d’une “Marilyn du X”, comptant 150 films au compteur. Mais qui dit come-back dit temps qui a passé. Chloé vacille. Elle est confrontée à des actrices plus jeunes qu’elle dans un milieu où l’on vieillit plus rapidement qu’ailleurs. Le film va raconter autant cette concurrence que la sororité et la solidarité de femmes qui doivent trouver la force de l’émancipation dans un milieu dirigé par des hommes. Cette énergie s’incarnera à la fin du film à travers un orgasme joyeux simulé dans les rues, alors qu’elles rentrent à leur hôtel, après une “journée de travail et de rencontres” dans un salon du X en province.

Maxime Caperan et Thomas Finkielkraut, pour leur première réalisation en commun, avec pour directrice photo Éva Sehet (précédemment coréalisatrice du long métrage documentaire Les enfants de la patrie avec Maxime Caperan) ont trouvé la bonne distance pour filmer, entre mélancolie et vitalité, l’appréhension d’une femme entre deux époques d’une industrie florissante, cernée par la nécessité de paraître à tout prix (dans les films, les salons et les réseaux sociaux), soucieuse d’entretenir le désir d’un regard. Le film se partage entre documentaire dans un salon du X (ce qu’on y offre, ce qu’on y voit) et stylisation de plans frontaux où dominent les couleurs roses et mauves d’un monde qui ne l’est pas tout à fait. En prenant pour interprète principale Émilie Delaunay, véritable actrice X connue sous le nom de Liza del Sierra, Pornstar raconte aussi le trouble d’une réalité complexe alimentée par le vécu de sa comédienne et dépassée, toutefois, par la distance nécessaire de la fiction.

Bernard Payen

France, 2019, 15 minutes.
Réalisation et scénario : Maxime Caperan et Thomas Finkielkraut. Image : Éva Sehet. Montage : Alexandre Donot. Son : Clément Decaudin, Olivier Voisin et Maxime Roy. Musique originale : Nicolas Villebrun. Interprétation : Émilie Delaunay, Léa Rougeron, Nina Lopata, Luc Schwarz et Tobias Nuytten. Production : Les Films du Clan.