Zaphira, une reine de légende
Sorti au printemps dernier au cinéma, le premier long métrage de fiction de Damien Onouri, coréalisé avec Adila Bendimerad, vient d’être édité en DVD. Ambitieux et épique, il dévoile un épisode historique des plus méconnus.
Après son documentaire Fidaï (2012), produit par Jia Zhang-ke, Damien Ounouri avait été remarqué par l’intermédiaire de son moyen métrage Kindil el bahr, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en 2016 et toujours accessible sur Brefcinema.
Ce film volontiers fantastique, offrant une relecture d’une légende nord-africaine et recourant crânement aux effets spéciaux, jouait sur le genre et ses codes tout en affirmant une nette tonalité féministe, très contemporaine et portée par son impressionnante interprète (et coscénariste) Adila Bendimerad. Cette dernière a coécrit, coréalisé et endossé le rôle principal de La dernière reine, sélectionné à la Mostra de Venise en 2022 dans le cadre des “Giornate degli autori”.
Le projet ne manque pas d’ampleur, ni d’audace, explorant le territoire du film d’époque, plutôt déserté par le cinéma algérien hors du contexte de la guerre d’indépendance de 1954-62. La dernière reine, en coproduction avec l’Hexagone, propulse le spectateur vers le début du XVIe siècle, à Alger, cité dont la situation politique d’alors est inconnue de la plupart d’entre nous. Un conflit oppose le pouvoir royal local aux Espagnols, qui sont sur leur lancée de la Reconquista, et le fameux pirate Barberousse profite de sa supériorité d’armes pour caresser le rêve de prendre le pouvoir dans la ville, à la mort – très suspecte – du souverain légitime, dont il entend de surcroît épouser l’épouse – du moins l’une d’entre elles, princesse kabyle farouche et déterminée : Zaphira.
Cette figure féminine forte et moderne en certains aspects, se dressant contre les abus du patriarcat, divise les historiens, oscillant entre existence réelle et mythe nourri par la postérité, mais le film s’empare de son extraordinaire parcours et de sa présence charismatique inouïe, en une époque reculée – celle de François Ier chez nous – et très “toxiquement” masculine… Et sous des apparences de classicisme (costumes et décors fastueux, scènes d’action très correctes en regard du budget sans doute limité du film), l’approche creuse celle qu’avait entreprise Kindil el bahr (proposé en bonus de l’édition Blu-ray), le duo de réalisateurs étant bien décidé à poursuivre dans les arcanes du polar ou de la science-fiction, comme ceci est exprimé dans l’entretien également présent parmi les suppléments, afin d’élargir la palette de ce cinéma algérien en renaissance ayant, au-delà des difficultés politiques et structurelles, révélé ces derniers temps de nombreux cinéastes dignes d’intérêt. Damien Ounouri et Adila Bendimerad en sont à la proue.
La dernière reine de Damien Ounouri et Adila Bendimerad, DVD et Blu-ray, Jour2Fête, 19,90 euros.
Disponible depuis le 22 août 2023.
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