Extrait
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Kindil el bahr

Damien Ounouri

2016 - 40 minutes

Algérie, Koweït, États-Unis - Fiction

Production : Mediacorp, Bang Bang Production, Linked Productions, Monumental

synopsis

Lors d’une sortie à la plage, Nfissa, jeune mère de famille, est agressée par un groupe d’hommes, alors qu’elle se baignait seule au large. Personne ne semble avoir été témoin de sa disparition. L’inquiétude et l’angoisse s’emparent de la famille. Peu après, sur cette même plage, tous les baigneurs meurent subitement.

Damien Ounouri

Né à Clermont-Ferrand en 1982, Damien Ounouri est un réalisateur franco-algérien, installé à Alger. Il a étudié la théorie du cinéma à la Sorbonne-Nouvelle, développant sa pratique en autodidacte.

Son documentaire Fidaï (2012), coproduit par le cinéaste chinois Jia Zhang-Ke, a fait sa première mondiale au TIFF, à Toronto, avant de sortir en salles en France (en 2014) et en Allemagne.

Son moyen métrage de fiction Kindil el bahr (2016) a été présenté d’abord à la Quinzaine des réalisateurs, au Festival de Cannes, en 2016 et a été diffusé sur Arte.

Damien Ounouri est également producteur associé au sein de la société de production algérienne Taj Intaj, gérée par l’actrice Adila Bendimerad. Tous deux réalisent La dernière reine, un premier long métrage montré à la Mostra de Venise 2022, dans la section “Giornate Degli Autori”.

Critique

Si cette première fiction du réalisateur franco-algérien Damien Ounouri commence comme une chronique familiale, le changement de ton qui s’opère rapidement dans le récit est à la mesure du drame qui bouleverse ce réalisme tranquille. Nfissa s’éloigne de ses enfants qui jouent sur la plage pour nager seule et se retrouve tout à coup agressée, encerclée, insultée, violentée et finalement noyée par une bande de jeunes hommes. Tandis que le ciel devient menaçant et que la tempête s’annonce, le film bascule alors dans le fantastique avec la transformation de Nfissa en créature monstrueuse et mythologique. Elle devient ainsi une méduse vengeresse qui, telle la gorgone antique, a un pouvoir de mort sur ceux et celles dont elle croise le regard.  

La force du film tient dans ce changement soudain de registre, ce décalage par rapport à nos attentes. Certaines réactions – “Que vous le vouliez ou non, votre fille est coupable ! ”, assène le commissaire en charge de l’enquête, ou “Elle n’a que ce qu’elle mérite”, lance un passant interrogé à la fin du film devant le cadavre de la créature – évoquent singulièrement les réactions que l’on peut encore entendre à la suite de violences sexistes, mais sans que cela soit dénoncé frontalement. La portée du propos n’en est que plus forte : personne dans le film ne questionne véritablement l’origine du mal, et c’est finalement le corps de cette femme-méduse qui sera livré en pâture aux selfies et aux regards. Cette dernière image évoque d’ailleurs un événement qui a également inspiré le film et contemporain à sa réalisation : la lapidation d’une femme en Afghanistan. 

Le désir initial du réalisateur était de tourner un film de monstre marin – et le mélange entre terreur et sensualité en milieu aquatique n’est pas sans évoquer L’étrange créature du lac noir de Jack Arnold (1954) – refusant que le cinéma algérien soit cantonné au réalisme social. De la même façon, inscrire un récit féministe dans un registre fantastique lui donne une autre dimension, et permet de rebattre les cartes des grandes figures mythologiques pour renouveler notre imaginaire. 

Par ailleurs, si ce court métrage oscille entre réalisme et film de genre, il est aussi riche d’une dimension intime avec les paroles en voix off et les souvenirs du couple en flashbacks. Nfissa n’est ainsi pas réduite à une figure tragique, mais nous apparaît comme un personnage complexe, avec sa fragilité, ses doutes, et le mystère de son lien fort et sensuel à la mer. 

Anne-Sophie Lepicard 

Réalisation : Damien Ounouri. Scénario : Adila Bendimerad et Damien Ounouri. Image : Mohamed Tayeb Laggoune. Montage : Damien Ounouri, Adila Bendimerad et Matthieu Laclau. Son : Li Dan-Feng, Ali Mahfiche et Hafidh Moulfi. Musique originale : Fethi Nadjem, Khaled, Zahouania et Safy Boutella. Interprétation : Adila Bendimerad, Nabil Asli, Souad Sebki, Aziz Boukerouni, Jawad Ayachi et Jawhara Ayachi. Production : Mediacorp, Bang Bang Production, Linked Productions et Monumental.

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