Traverser à tout prix…

Thierry Binisti est davantage identifié comme réalisateur de télévision que de cinéma, puisque Le prix du passage, sorti au printemps dernier dans les salles, n’est que son troisième long métrage pour le grand écran, après L’outremangeur – avec Éric Cantona et Rachida Brakni – en 2002, puis Une bouteille à la mer une décennie plus tard.

Un film tous les dix ans sur ce format-là, mais une activité continue et très fournie en matière de fictions TV unitaires ou d’épisodes de séries, depuis le milieu des années 1990 (citons pour mémoire l’adaptation du populaire livre “La bicyclette bleue” de Régine Desforges en 2000, avec Laetitia Casta). 

Cette période fut précisément celle où le jeune réalisateur signa des courts métrages, dont Le livre de minuit (photo ci-dessus), sélectionné alors dans tous les festivals majeurs (Clermont, Pantin, Brest, Villeurbanne, Alès, etc.) et qui mettait en scène Dominique Blanc en mère œuvrant dans la Résistance, dans la France de 1942, brochant à la main des ouvrages des clandestines Éditions de Minuit et prenant ses précautions envers son petit garçon au cas où le pire surviendrait…

Le film, proposé en bonus de cette édition, était soutenu par la Région Centre et produit par TS Productions, qui est aussi — en une belle manifestation de fidélité au-delà des années – la société de production du Prix du passage. Le sujet est cette fois lié à l’espoir de passer la Manche par des migrants “bloqués” à Calais et ses alentours, pour de fortes sommes d’argent soutirées par des passeurs mafieux sans scrupules.

Dans une atmosphère peu à peu très “loachienne”, le film suit Natacha, mère célibataire d’un enfant de huit ans, Enzo, qui tente de s’en sortir financièrement avec dignité et trouve, en rencontrant fortuitement Walid, un étudiant irakien projetant de rejoindre l’Angleterre, l’occasion de monter un business avec lui, en conduisant outre-Manche des candidats à la traversée en les planquant dans son coffre de voiture le temps du passage en ferry. 

L’argument peut apparaître manquer de crédibilité (on peut passer une fois tous les contrôles, mais plusieurs à la suite, c’est plus improbable…), mais le récit captive sans détours, soutenu par la force de conviction d’Alice Isaaz, dans un registre qu’on ne lui connaissait pas jusque-là. Et l’aventure nous décille un peu le regard sur ces drames ordinaires, quotidiens, dont on a ces derniers temps préféré occulter l’existence.

Le prix du passage de Thierry Binisti, DVD et Blu-ray, Diaphana Édition Vidéo, 19,99 euros.
Disponible depuis le 22 août 2023.

À lire aussi :

- La dernière reine de Damien Ounouri et Adila Bendimerad, disponible en DVD.

- Un court métrage avec Alice Isaaz : Qui de nous deux, de Benjamin Bouhana.