Extrait
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Super Nova

Juliette Saint-Sardos

2021 - 16 minutes

France - Fiction

Production : Composite Films & Dùne

synopsis

Sasha traverse Marseille des hauteurs de son immeuble jusqu’au port. Sur son chemin, elle croise les regards insistants des hommes. La ville est belle, vivante, ensoleillée, bétonnée. La marche de Sasha est un enchevêtrement d’œillades, de silences empesés et de bourrasques citadines. Arrivée sur la jetée du Mucem, elle attend quelqu’un qui ne vient pas.

Juliette Saint-Sardos

Après des études de lettres et d’Histoire de l’art, Juliette Saint-Sardos est sortie diplômée du master de production cinématographique de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) en 2016.

Elle a travaillé entre janvier 2018 et février 2020 à la Société des réalisateurs de films (SRF) en tant que chargée de communication, notamment pour l’organisation des événements de l’association au Festival de Cannes, lors de la Quinzaine des réalisateurs.

Elle est ensuite passée à la réalisation avec un premier court métrage, Super Nova, tourné à Marseille en pellicule 16 mm. Le film a été vu, entre autres, au Festival Côté court de Pantin en 2022, puis au Festival du film court en plein air de Grenoble.

Les rossignols, dont l'action se situe à Rome, a suivi, également présenté à Pantin en 2023, ainsi qu'au FIFIB, à Bordeaux. 

Critique

Fable de renaissance sensuelle et solaire, tournée à Marseille en pellicule pour imprimer au plus près une lumière voulue irradiante, ce premier film de Juliette Saint-Sardos place sa filmographie sous le signe de l’incarnation forte d’émotions intenses. Comme les étoiles, celles-ci naissent et meurent, et nous suivons ici Sasha (Lisa Bouteldja), une jeune femme d’une vingtaine d’années qui, frappée de plein fouet par un chagrin d’amour, traverse la ville de part en part, au même titre que sa peine éphémère va la traverser, avant de céder la place à d’autres horizons.

Dans un jeu de valeurs de plans et de cadres toujours fidèles à l’amour de son personnage, le langage de Super Nova alterne plans rapprochés sur les visages et plans larges sur la ville. Ainsi, nous rencontrons l’âme et la sensibilité de Sasha au plus près, nous marchons avec elle et ressentons les regards masculins qui lui emboîtent le pas, inspectent son corps et lui collent aux basques. Marseille, déroulée en ruban le long de la côte, entre ses rivages lumineux et les éternels acteurs de ses rues, constitue l’écrin parfait pour cette double étude.

Tourné à 100 % en extérieurs et en décors naturels, dans un esprit Nouvelle Vague qui aurait voyagé à Marseille, clin d’œil aux arrivages réguliers depuis la capitale des dernières années, le trajet urbain du personnage capture la palette des multiples atmosphères de la ville avec grande justesse. Depuis une tour du Xe arrondissement, en passant par l’esplanade du Mucem pour un rendez-vous manqué, Sasha fait escale dans la Calanque de Saména pour une baignade salutaire, prend un bain de foule nocturne sur le cours Julien et se promène sur la Corniche Kennedy. Lisa Bouteldja, comédienne d’origine algérienne et très militante, nimbe son personnage magnétique d’une aura mystérieuse. Très réalistes, les comédiens chargés d’incarner les garçons postés dans la rue ou aux terrasses des cafés sont filmés avec lucidité, mais sans jugement. Parce que c’est rare, il est aussi réjouissant, de voir des personnages évoluer dans des décors autres que les récurrents parquets-moulures-cheminées des appartements parisiens et animés par des préoccupations différentes.

Sur le plan formel comme narratif, le film prend des bifurcations inattendues et forme un ensemble composite au meilleur sens du terme, tel le nom de l’une de ses deux sociétés de production. À la fois plastique et éthéré, des impulsions s’y manifestent : un courage, un élan de recherche, qui se traduisent notamment par des coupes étonnantes dans le montage. La musique de Julee Cruise, Nightingale, ainsi qu’une scène éclairée de rouge proposent une allusion directe à l’univers de David Lynch. Lors d’une nuit d’errance, une discussion avec un garçon rencontré par hasard prend soudain une tournure quasi bavarde, presque rohmérienne. Transformée soudain en motarde voleuse, filant vers Callelongue, à l’extrême pointe de Marseille, Sasha devient un Phénix que l’on imagine sans peine se joindre à l’escadron onirique et flamboyant des Rencontres d’après minuit de Yann Gonzales (2013).

Cloé Tralci

Réalisation et scénario : Juliette Saint-Sardos. Image : Emmanuel Fraisse. Montage : Aymeric Schoens. Son : Laura Chelfi et Tristan Lhomme. Musique originale : Arthur Bon. Interprétation : Lisa Bouteldja, Sébastien Weber et Roméo De Lacour. Production : Composite Films et Dùne.

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