Extrait
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Son altesse protocole

Aurélie Reinhorn

2021 - 29 minutes

France, Belgique - Fiction

Production : Les Quatre Cents Films, White Boot Pictures

synopsis

"Excellent premier jour à toi du reste de ta vie féerique où tout ne sera que magie, enchantement et malice. Bon, normalement y a une chorégraphie mais là, j’ai pas franchement envie de te la faire." Il était une fois Wanda et ses débuts d’employée dans un parc d’attraction.

Aurélie Reinhorn

Née en 1988, Aurélie Reinhorn a passé son enfance dans différents pays (Maroc, Guyane, Madagascar, Sénégal, Luxembourg) et plusieurs endroits en France, avant de gagner Paris, à dix-huit ans et de se former au théâtre. Au Conservatoire du 5e arrondissement tout d’abord, avant d’intégrer, à partir de 2011, l’École nationale d’art dramatique de la Comédie de Saint-Étienne.

Régulièrement sur les planches en tant que comédienne (au Théâtre Dijon-Bourgogne, au Théâtre national de Strasbourg, au CDN de Lorient ou au Théâtre de l’Aquarium à Paris), elle se sera lancée dans une première réalisation, en compagnie de Magali Chanay, pour un premier court métrage auto-produit en 2013 : Creuse.

En 2018, elle écrit et réalise son premier court métrage dans des conditions professionnelles, produit par la société Les Quatre Cents Films : Raout Pacha, sélectionné dans de nombreux festivals, reçoit le Prix Canal+ et le Prix du rire Fernand-Raynaud au Festival de Clermont-Ferrand en 2020.

L’année suivante, elle signe deux autres films courts : Pied-de-biche, dans le cadre de la collection “Jeunesses d’aujourd’hui” produite par Yukunkun Productions en partenariat avec le CNSAD, et Son altesse protocole, qui remporte le Prix de la presse Télérama à Clermont-Ferrand en 2022.

En 2023, elle développe un nouveau projet de court métrage, intitulé SCALP (pour “Si calmes accourent les Picaros” !), et un premier long métrage portant le titre provisoire de Tympan.

Critique

Aurélie Reinhorn poursuit par l’humour absurde sa critique radicale et incisive du travail précaire, initialement entamée avec Raout Pacha (2019), dans une comédie burlesque brillamment inventive.

Par des chemins détournés, la cinéaste s’empare d’un cinéma social et politique, explorant à nouveau la thématique de la précarité du travail. Son regard scrute les dynamiques d’oppression et de domination, dont le cynisme est exacerbé depuis que les techniques managériales s’appuient sur l’injonction du “bonheur au travail”. Dans les coulisses d’un parc d’attractions, elle dépeint un monde à la violence banalisée, caractérisé à travers une succession de protocoles incohérents, un management délirant et un langage bureaucratique qui frôle le non-sens, conférant ainsi au film une tonalité politique douce-amère. 

Métaphore d’une entreprise capitalisant sur le divertissement et le rêve, la réalisatrice expose une mythologie bâtie sur un bonheur factice. Cette machine à rêves, qui se révèle être surtout une machine à sous, n’offre en réalité que vanité sous couvert de féerie. Le ton est donné dès le premier plan, la vision d’un nain qui fume par l’œil droit suscite d’emblée des interrogations sur le type de conte de fées qui se trame. D’enfants surexcités on n’entend que les cris lointains, pour mieux embrasser l’absurdité d’un système interne qui juxtapose l’allégresse supposée des personnages féeriques aux réalités précaires des employés qui les incarnent.

Tout juste arrivée dans le parc d’attractions, Wanda peine à prendre ses marques. Après avoir refusé les premières recommandations de sa conseillère Pôle Emploi pour devenir développeuse web puis soldate, elle se retrouve habillée d’un encombrant costume de lutin facétieux pour sa première journée de travail.

La réalisatrice collabore une nouvelle fois avec la comédienne Margot Alexandre, pour une grande complicité à l’image dans le jeu du décalage. Wanda est un personnage qui permet d’entrer dans un monde désaxé, où l’échec est appréhendé comme une ressource brute et précieuse avec laquelle il faut tenter de bricoler sa vie.

Aurélie Reinhorn pousse les curseurs de l’absurde en explorant les relations de pouvoir entre les individus et la dynamique d’aliénation qui s’impose dès qu’on s’aventure un peu trop longtemps dans une entreprise. Les scènes sont chargées d’un comique de mots et de situations, et forment tout au long du film une caricature malaisante, celle d’employés coincés entre fiction et réalité. Alors certains se résignent, ou bien se gavent d’illusions, d’autres se soulèvent contre l’autorité, tandis que d’autres, enfin, perdent lentement la raison...

Léa Drevon

Réalisation et scénario : Aurélie Reinhorn. Image : Boris Lévy. Montage : Magali Chanay. Son : Clément Tijou, Thibaud Rie et Jean-Stéphane Garbe. Musique originale : Antonin Tardy. Interprétation : Margot Alexandre, Thomas Nucci, Noémie Zurletti et Marthe Wetzel. Production : Les Quatre Cents Films, White Boot Pictures.