Snow Shelter

Les hurlements du vent, la vapeur brumeuse qui s’échappe des lèvres, les flocons qui s’évanouissent sur les hauteurs vétustes des toits : c’est un courant d’air post-apocalyptique qui s’engouffre avec la bise dès les premières images. Entre quatre murs délabrés, dans l’obscurité d’une nuit d’hiver, des hommes sont étendus dans des sacs de couchage eux-mêmes plutôt indigents. Dehors, dans cette ville déconstruite à la courbe soignée, cité graphique qui dans un imaginaire collectif dut être majestueuse, des âmes se traînent entre les bâtiments désolés à la recherche d’un refuge.

On distingue à peine les visages, au centre desquels, pâles et anonymes comme des fantômes, s’ouvrent et se ferment des yeux absents. À travers le jeu des ombres, qui superposent et dissimulent la noirceur du passé, Robertas Nevecka donne à ses scènes nocturnes une dimension toute dramatique, dans cet univers dépossédé qui, lorsque la nature glaciale reprend ses droits, révèle une animalité brutale. Le choix de cette éclipse de regard a quelque chose d’universel et de sinistre, comme le son d’une voix dans un vide déshumanisant. Quel est ce monde qui semble si réel ?

Tantôt enchanteresse tantôt lancinante, la mélodie nous plonge dans les profondeurs d’une misère vagabonde, au cœur d’une société à peine dystopique, reflet d’un égoïsme cruel et nécessaire. La propriété n’est plus un droit, les asiles se font rares, la charité se paie, les jeux de pouvoir ont ravagé la tranquillité d’un peuple. Le sommeil est difficile, le feu crépite et dévore l’indulgence, laissant place à la loi sauvage du plus fort. Le héros de Nevecka n’est pas un monstre, mais il n’est pas vertueux. Son combat est juste, mais sa rancune immonde. Voici le constat euphémique d’une piètre subsistance.

Dans les coulisses de cette animation vibrante, dont l’économie du verbe sert la richesse du sens, se dessine un hymne à la paix. Snow Shelter est un tableau mouvant, tableau on ne peut plus actuel, peignant avec une gravité poétique ce qu’il reste des hommes après les guerres, et ainsi portrait d’une humanité vacillante qu’il faut à tout prix retrouver.

Marie Labalette

En partenariat avec 

Réalisation, scénario et montage : Robertas Nevecka. Image : Vytautas Plukas. Animation : Robertas Nevecka, Pijus Balkaitis et Pijus Čeikauskas. Son : Julius Grigelionis. Musique originale : Domas Strupinskas. Voix : Justas Tertelis et Juozas Budraitis. Production : Meno avilys et Akis bado.