Extrait
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Snow in September

Lkhagvadulam Purev-Ochir

2022 - 20 minutes

France, Mongolie - Fiction

Production : Aurora Films

synopsis

Davka est un adolescent qui vit dans les immeubles soviétiques délabrés d’Oulan-Bator. Avec sa camarade de classe, Anuka, ils parlent de mangas et de sexe. Quand Davka rencontre une femme plus âgée, sa vision des rapports intimes et des relations amoureuses est forcée de changer.

Lkhagvadulam Purev-Ochir

Lkhagvadulam Purev-Ochir est une scénariste et réalisatrice mongole née en 1989.

Elle a obtenu son diplôme en réalisation à l’Université de Dokuz Eylul, en Turquie, avant de suivre la formation en scénario de la FAMU, à Prague (République tchèque), en 2015. Elle a ensuite obtenu son Master de scénariste en 2018 à l’école KinoEyes - The European Movie Masters (Portugal). Elle a également enseigné à la Mongolian School of Film, Radio, and Television.

Elle a réalisé plusieurs courts métrages, dont Mountain Cat (2020), sélectionné au Festival de Cannes, ainsi qu’à Sundance et à Busan (Corée du Sud), et Snow in September (2022), qui a reçu le Lion d’or du meilleur court métrage à la Mostra de Venise en 2022 et le Prix du meilleur court métrage au TIFF à Toronto.

En 2023, elle signe son premier long métrage, Un jeune chaman, lauréat du Prix de la meilleure interprétation masculine à Venise (dans la section Orizzonti) et sélectionné pour représenter la Mongolie aux Oscars 2024. Le film est distribué en France au printemps de la même année.

Critique

La question peut se poser d’emblée du sens à accorder au titre que la jeune cinéaste mongole Lkhagvadulam Purev-Ochir a décidé de donner à son film Snow in September. Neige-t-il vraiment en septembre à Oulan-Bator ? Récompensé du Prix du meilleur court métrage à la Biennale de Venise, dans la section Orizzonti, puis au Festival du film de Toronto, cette œuvre à la fois réaliste et profondément mystérieuse renvoie à l’idée d’une saison où l’équilibre naturel se serait fissuré. L’horloge aurait été détraquée. Pourtant, le film commence d’une manière relativement ordinaire : on entend les éclats de voix de deux adolescents, Davka et Anuka, que l’on aperçoit bientôt en train de se raconter le contenu perturbant de mangas horrifiques. Signe d’une amitié forte, peut-être plus, entre le jeune garçon et la jeune fille. Les horreurs qu’ils s’échangent avec légèreté, combinant la question de la violence et celle de la sexualité, sont-elles si innocentes ?

La suite du film introduit un doute sur le possible péril qui plane sur l’innocence du jeune homme. Alors qu’il joue à un jeu vidéo sur son ordinateur (nouvelle référence à un univers martial et destructeur), Davka entend sonner à la porte de l’appartement, où il vit seul avec sa mère. Il retire son casque, va ouvrir la porte d’entrée, découvre qu’une femme d’une cinquantaine d’années veut entrer en prétextant vouloir passer un coup de téléphone. Elle se présente comme une voisine. Débute alors un jeu du chat et de la souris, processus au cours duquel la femme use de son autorité pour créer la plus grande des confusions auprès du garçon docile et courtois. Dans quel but ? Un indice, assez vite, se fait jour : la femme investit la chambre de l’adolescent, s’assied sur son lit tout en se recoiffant. Sans être ni aguicheuse, ni trop visiblement séductrice, elle prend progressivement contrôle de la situation, et par là même, manipule le jeune homme. Jusqu’où ? Difficile de le dire. On retrouve ensuite Davka et Anuka dans une salle de classe. Davka est nerveux, s’isole, recherche en vain l’identité de l’intruse. Une tristesse s’installe dans les images comme dans le regard de l’adolescent. L’air se remplit d’amertume.

Récit d’apprentissage troublant, Snow in September impressionne par une richesse moins révélée que contenue. Dissimulée, même. Trois traits de la mise en scène expriment ce qui est en jeu derrière les apparences, et au-delà des mots. Le film s’ouvre d’abord sur un plan de façade : les fissures soulignent le délabrement de l’immeuble datant de l’époque soviétique. Ne figurent-elles pas la déchirure qui rompt progressivement le fragile échafaudage de la vie du protagoniste, renversant au passage tous ses repères préalables ? Le deuxième trait de mise en scène réside dans l’usage de plans en discrète plongée : la cinéaste aborde les personnages depuis un angle légèrement ascendant. Ne serait-ce pas une façon, dès le début du film, de suggérer l’existence d’une autorité abusive qui se met à enfermer le désir plutôt qu’elle n’en garantit l’épanouissement ? Marquant la présence potentiellement malveillante de l’adulte, et prévenant d’un danger imminent ?

Le troisième élément de mise en scène ne peut échapper au spectateur alors qu’il s’agit d’un vide entre deux plans : une ellipse spatio-temporelle. Sans qu’aucune image n’incarne ce qui s’est passé dans la chambre entre Davka et la prétendue voisine à la présence fantomatique, la suggestion s’avère plus terrible encore que la représentation. Le dernier regard oblique de Davka traduit la force du traumatisme subi. Une neige automnale a envahi son monde.

Mathieu Lericq

Réalisation et scénario : Lkhagvadulam Purev-Ochir. Image : Amine Berrada. Montage : Marylou Vergez. Son : Benjamin Silvestre, Carlos Abreu et Paul Jousselin. Musique originale : Maxence Dussère. Interprétation : Sukhbat Munkhbaatar, Nomin-Erdene Ariunbyamba et Enkhgerel Baasanjav. Production : Aurora Films.

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