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Sans regret

Carmen Leroi

2023 - 39 minutes

France - Fiction

Production : Bathysphère Productions, Hippocampe Productions

synopsis

Pour une résidence organisée par l’Université, Miranda Ackerman, écrivaine, revient à Caen où elle a vécu une dizaine d’années auparavant. Elle découvre avec stupeur que l’Université l’héberge dans la maison même où elle habitait avec Richard, son compagnon de l’époque. Richard enseigne aujourd’hui à la fac. Tandis qu’ils reprennent contact, des présences commencent à la troubler dans la maison.

Carmen Leroi

Née en 1987, Carmen Leroi est originaire de Caen (Calvados). Elle a travaillé dans différents festivals de cinéma, puis pour la société de production Bathysphère. En 2018, elle réalise son premier court métrage, Les belles portes, auto-produit et sélectionné à Entrevues, à Belfort, et à Côté court, à Pantin.

En 2019, elle fait partie de l'équipe fondatrice de “Passage”, festival de films courts de la Côte de Nacre, en Normandie.

Pour Elsa, achevé en 2020, est son second film, sur un format de moyen métrage. Il reçoit le Prix du public au Festival du cinéma de Brive. Le suivant, Sans regret, y est à son tour présenté en 2023. Julia Faure et Emmanuel Mouret en tiennent les rôles principaux.

Critique

Lorsque la poétesse Miranda Ackerman arrive à Caen pour une résidence d’écriture, Sarah, une étudiante en lettres, vient l’accueillir et la conduit jusqu’à une maison entourée d’un jardin d’herbes folles. Au fil de quelques jours, les destins de l’écrivaine renommée, qui revient dans une ville qu’elle a quittée à vingt ans, et de l’aspirante autrice, qui rêve de gagner Paris pour y accomplir un destin littéraire, évoluent en miroir.

La résidence d’artiste a fini par donner lieu au cinéma, autant qu’en littérature, à un genre en soi. L’artiste loin de chez lui est en proie aux affres de la création et, hors de son cadre familier, est ouvert aux rencontres et à l’inconnu. Le nom même de la ville où débarque Miranda, avec sa sonorité de jeu de mots lacanien, suggère pourtant que l’autrice accomplit un voyage temporel bien plus que spatial. Écrire n’est pas une difficulté pour elle dans la douceur de cette maison de quartier résidentiel. Entre ses moments de travail, retrouver Richard, son ancien amour devenu prof à la fac, la prédispose à se laisser aller à des conversations prosaïques sur le menu de la cantine et le prix des loyers parisiens et somme toute les désillusions de la vie. Le film balance toujours entre ce dilemme : choisir entre la vie conjugale et l’œuvre artistique. Et si… et si les deux postures antagonistes étaient possibles, simultanément ? 

À partir de cette hypothèse nimbée d’un léger fantastique, Carmen Leroi donne à son troisième court métrage un onirisme discret. La petite ritournelle répétitive naïve au piano et le montage qui laisse largement exister le hors-champ et les espaces vides font résonner dans cette banlieue pavillonnaire normande des consonances asiatiques, d’un Hong Sang-soo ou d’un Kiyoshi Kurosawa. Le cinéma de Satyajit Ray est cité, explicitement lui, avec Le lâche (1965), que Richard fait étudier en cours et qui déploie la rencontre fortuite de deux anciens amoureux longtemps après leur rupture : l’enseignant projette à ses étudiants le flash-back de leur prime rencontre et permet à Carmen Leroi de raconter le passé de ses personnages sans le mettre en scène, comme si les protagonistes indiens continuaient à vivre d’autres vies dans d’autres corps, d’autres temps et d’autres lieux. Ces fantômes cinématographiques vont en croiser d’autres, spectres d’une vie virtuelle que Richard aurait aimé vivre avec Miranda et à laquelle le simple retour sur les lieux du passé va lui donner accès. Plein d’une bienveillance toute quotidienne, ces revenants disent tendrement "bonne nuit" ou préparent le café du matin. Toutes à leur sacerdoce littéraire, Miranda et Sarah les quittent pourtant sans regret.

Raphaëlle Pireyre

Article paru dans Bref n°129, 2024.

Réalisation et scénario : Carmen Leroi. Image : Juliette Barrat. Montage : Louis Séguin. Son : Mariette Mathieu-Goudier, Antoine Bailly et Simon Apostolou. Musique originale : Frédéric Alvarez. Interprétation : Julia Faure, Emmanuel Mouret, Natacha Krief, Quentin Vernede, Quentin Papapietro et Camille Leroi. Production : Bathysphère Productions et Hippocampe Productions.

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