Ressources humaines

C’est le diamant noir du Festival d’Annecy, édition 2024.  Œuvre de fin d’études coréalisée par Titouan Tillier, Trinidad Plass Caussade et Isaac Wenzek. Ressources humaines nous projette dans un futur dégénéré où, à la fin de sa carrière, chaque employé doit se rendre dans le bureau des RH pour être recyclé en objet. Le pitch est tout simplement génial, en commençant par le choix par l’employé de l’objet dans lequel il sera réincarné. Après quoi il passe à la moulinette, dans un broyeur de corps. Suit la transformation en pelotes de fils de tissage. Rien de ne se perd, tout se transforme sous le ciel heureux de l’entreprenariat écolo. Le tout est couronné d’une fin en forme de double chute : l’employé, littéralement, choit et meurt.

Film d’école, Ressources humaines ne dure pas plus de quatre minutes. On pourrait s’attendre, comme c’est parfois le cas, à un film tour de force. Or c’est tout le contraire. Les personnages sont des marionnettes animées sculptées, sans aucun doute dans du fil de tissage recyclé. Leur corps et leurs figures paraissent anonymes, communes. Les décors, un peu vieillots, évitent toute rutilance. On se croirait dans une série américaine des Seventies, à l’image ternie et usée par les années de diffusion à la télé. Le bureau des RH ressemble à la fois à une salle d’entrée de prison, à un hub de dépose-bagages, ou encore au bureau d’un détective privé collectionneur foutraque de bibelots. On est loin de tout effet de manche, et loin également de la chronique sociale réaliste que le titre pourrait annoncer. Le ton anodin, sans émotion, presque mécanique, un brin guilleret par endroit, parfaitement en décalage avec ce qui se déroule sous nos yeux, ne cesse de surprendre et d’alimenter un comique du contrepoint.

Ressources humaines épouse par ailleurs le dispositif du film dans le film : nous voyons ce qu’un réalisateur de documentaire amateur tourne. Le résultat ressemble à un film d’horreur low fi sur le monde de l’entreprise, mais pas seulement. On flotte dans l’espace ouvert entre ce qu’affirme la réceptionniste et ce que montre le filmeur, aussi curieux que peu adroit. De là à dire que ce petit film est une sorte d’hommage à la vie intérieure des objets qui nous entourent, qu’on entasse et collectionne, il n’y a qu’un pas. La fin boucle avec le début : une porte se ferme sur ce monde de bric-à-brac, comme le couvercle d’une boîte. Celle de nos écrans, celle d’une salle de cinéma. Tous ces objets (finalement) ont bien une vie. La preuve par l’image.

Donald James

Réalisation, scénario, animation, image et montage : Trinidad Plass Caussade, Titouan Tillier et Isaac Wenzek. Son : Titouan Tillier. Interprétation : Sylvain Debretagne, Émilie Mercier et Titouan Tillier. Production : EMCA - École des métiers du cinéma d'animation.