Extrait

Le soleil chante à l’horizon

Marin Gérard

2024 - 30 minutes

France - Fiction

Production : Les Films du Sursaut

synopsis

Le lendemain de sa rencontre avec Quentin, Lise rejoint Jade, sa colocataire, dans une ferme à la campagne où se tient un genre de petit festival.

Marin Gérard

Marin Gérard, qui a au préalable suivi des études de lettres et de cinéma, est diplômé de la promotion 2020 de la Fémis, dans le département “scénario”.

Dans le cadre de son cursus, il a coécrit avec Lisa Sallustio son court métrage Littoralement, en 2019, et a réalisé L'espace rapide, son film de fin d'études, déjà interprété par Quentin Dolmaire, en 2020. Ce dernier a été sélectionné à Premiers plans, à Angers, et à Côté court, à Pantin, avant que le duo se reforme sur À l'ombre l'après-midi (2022), produit par les Films du Sursaut et présenté en compétition nationale au Festival de Clermont-Ferrand, où il aura reçu une mention spéciale du jury. Il a ensuite été projeté à Côté court et au Festival Curtas de Vila do Conde, au Portugal.

Toujours avec sa productrice Dorothée Lévêque, le jeune réalisateur signe Le soleil chante à l'horizon en 2024, sur un format de moyen métrage. Une nouvelle sélection à Côté court, en 2024, est à la clé.

Marin Gérard est également critique de cinéma pour la revue en ligne Critikat.

Critique

Qu’est-ce qu’un deuxième film produit (après, notamment, L’espace rapide, film Fémis de 2020) quand il ne cesse de dialoguer avec le premier ? Peut-il tenir debout sans le voisinage de son prédécesseur ? Difficile, à la dernière question, de répondre "non" quand débute celui de Marin Gérard.

On quittait Quentin et Lise sur deux quais opposés du métro Glacière à la fin d’À l’ombre l’après-midi (2022). On retrouve la seconde descendant quelques stations plus loin, à Nationale, la même nuit.

Face A / Face B.

Off, la musique qu’elle plaçait sur ses oreilles et qu’alors nous n’entendions pas, le premier film demeurant jusqu’au bout arrimé au point de vue de son personnage masculin. Plus tard, le matin, sur un écran d’ordinateur, quelques images de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda, que Quentin le cinéphile évoquait la veille au gré de leur rencontre au Parc Montsouris.

On l’aura compris, les deux films s’enchaînent littéralement. La bascule se fait d’un personnage l’autre (Boy Meets Girl = un autre film), avec moult petites rimes ravivant la délicatesse du premier volet (ici, la raison explicitée d’un arrêt devant un digicode ; là, un pansement qu’on enlève de son doigt).

À l’ombre l’après-midi, le soleil chante à l’horizon… Deux titres comme un programme. Ou plutôt comme une promesse.

Car le souvenir du premier film, c’est bien ce qui se disperse dans l’humeur de Lise, laquelle, comprend-on au dernier plan, est peut-être tombée amoureuse d’un absent que l’on sent pourtant un peu partout dans ses yeux, dans son cœur. Le charme opère aussi sans avoir vu À l’ombre l’après-midi, mais l’expérience est différente, peut-être plus comique, sans doute moins émouvante.

Le film de Quentin était parisien, naviguant entre VIe et XIVe arrondissements, chronique estivale d’une jeunesse menaçant parfois d’étouffer dans son tout petit microcosme. Alors, au risque du quant à soi et de la vie en vase clos (celle de Quentin dans son petit périmètre à la croisée de quelques salles du Quartier Latin), le film de Lise préfère l’horizon, la campagne, la fugue et… l’imprécision ! Quentin savait parfaitement à l’avance de quoi (de quels films) serait nourrie sa journée. Lise n’en sait rien, hésite et se laisse porter au gré des rencontres (apprentie comédienne, elle joue même des classiques "à peu près").

Pour elle, et sans doute plus encore pour le réalisateur, il fallait quitter Paris, ses parcs et ses cinéphiles, s’aérer dans une ferme-résidence où vivotent et cohabitent comédiens, poètes, musiciens et artistes en recherche. Ainsi rira-t-on plus ici avec (et non pas de) ceux qui créent que de ceux qui, la veille, se pâmaient devant les films de M. Night Shyamalan ou de Tsai Ming-liang. Comme l’était celle des cinéphiles, la satire des artistes qui affleure est bienveillante, jamais cruelle. Eux-mêmes ne paraissent pas dupes (songeons à la metteuse en scène un rien désabusée campée par Laetitia Spigarelli), tous acteurs d’un petit théâtre prenant, loin de l’agitation urbaine, les atours d’une utopie collective jamais ridicule, toujours attendrissante.

Stéphane Kahn

Texte paru dans Bref n°130, 2025.

Réalisation et scénario : Marin Gérard. Image : Anna Sauvage. Montage : Nathan Jacquard. Son : Rémi Seffacene, Noëmy Oraison et Sylvain Adas. Musique originale : Clara Le Meur. Interprétation : Mathilde Weil, Laetitia Spigarelli, Clara Choï, Paul Nouhet, Félix Loizillon, Anna Sauvage et Claire Ballu. Production : Les Films du Sursaut.

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