2022 - 22 minutes
Royaume-Uni - Fiction
Production : Friend
synopsis
La popstar Oliver Sim (The xx) est invité à un talk-show qui se transforme rapidement en un périple surréaliste d’amour, de honte et de sang.
biographie
Yann Gonzalez
Yann Gonzalez est né à Nice en 1977. Après des études universitaires de cinéma et un mémoire de maîtrise sur “La figure de la femme dans le porno amateur”, il collabore avec diverses revues artistiques (Têtu, Max, Chronic’art, Vogue).
À partir de 2006, il réalise plusieurs courts métrages sélectionnés à Cannes, notamment, comme By the Kiss (2006), Les astres noirs (2009) et Nous ne serons plus jamais seuls (2012). En 2013, le cinéaste sort son premier long métrage, Les rencontres d’après minuit. Il s’agit de la préparation d'une orgie par un jeune couple – interprété par Kate Moran et Niels Schneider – et leur gouvernante travestie.
Yann Gonzalez revient au format court avec Les îles (2017) qui remporte le Grand prix fiction du Festival de Vila do Conde. En 2018 sort son second long métrage, Un couteau dans le cœur, avec Vanessa Paradis, Kate Moran et Nicolas Maury, qui a reçu le Prix Jean-Vigo 2018 du long métrage (ex-aequo).
Nouveau retour au court pour le réalisateur, et doublement, en 2021 et 2022, avec Fou de Bassan et Hideous. Devenu également producteur, au sein de Venin Films (qu'il crée en 2020 avec Elina Löwensohn, Flavien Giorda et Bertrand Mandico), il est ainsi à l'œuvre sur, entre autres, Mars exalté de Jean-Sébastien Chauvin (2022), J'ai vu le visage du diable de Julia Kowalski (2023) ou encore Anapidae (Appelle-moi) de Mathieu Morel (2024).
Critique
“Avez-vous parfois le sentiment d’être avalés par la brume ?”. Cette réplique qui ouvre Hideous sonne comme un programme. Programme qui pourrait être celui, tout entier, de la filmographie de Yann Gonzalez qui, depuis l’hypnotique baiser en plan séquence sur le mur de By the Kiss (2006) jusqu’à ce film, n’a finalement cessé de mettre en cadre des mondes cotonneux chargés de désir, d’étranges débauches vaporeuses.
Hideous est une comédie musicale pop et queer en trois actes, au scénario écrit en collaboration avec Oliver Sim, membre du groupe de rock britannique The xx. Le chanteur y interprète trois morceaux, issus de son premier album solo : Hideous Bastard. D’abord en noir et blanc, comme un fantasme réactualisé d’un songe entre Jean Cocteau et Jean Genet, puis en lorgnant sur l’épouvante gore et, enfin, dans une grande désolation pop. Hideous est tout entier un chant d’amour monstrueux.
Oliver Sim y campe un personnage interviewé à la télévision dans un talk-show où il dévoile son mal-être, son sentiment d’être mis à l’écart. Le film prend ainsi la forme d’une grande confession lyrique et pop qui joue avec les codes de l’horreur, se muant quasiment en mini slasher chanté. C’est aussi limpide que mystique. Et puis, il y a cet enfant qui le contemple dans le poste, depuis sa chambre. C’est le gamin que nous étions tous, devant la télé ou l’écran de cinéma, cherchant à se connecter à nos idoles. Sauf qu’il s’agit là d’un freak qu’on fuyait comme la peste. En effet, la star est séropositive.
Tout au long de ce supplique étincelant, on retrouve la matière vive de Yann Gonzalez, entre néons et backrooms, où ses créatures s’adressent directement à nous et tentent de négocier avec leurs élans charnels. C’est tout son principe de métamorphose qui trouve ici une nouvelle variation, dans un nuancier de couleurs pastel – nous ne sommes jamais loin d’une chambre d’enfant multicolore, théâtre chatoyant d’une innocence perdue. Quand le personnage d’Oliver Sim se change soudain en créature reptilienne criminelle, il convoque tout un imaginaire lointain du film de monstres, de L’étrange créature du lac noir, de Jack Arnold, à Conan le Barbare, de John Milius. C’est la figure bafouée des séropositifs, transfigurée, recouverte de honte, de sang et strass et qui trouve de quoi arracher le feu des projecteurs pour braquer sur elle leur lumière chaude.
Ce qui est particulièrement émouvant avec Hideous, c’est la manière dont il parvient à faire le lien entre les générations et les icônes gays. Des années 1980 avec Smalltown Boy – Jimmy Summerville campe ici un ange pailleté et consolateur ! – jusqu’à l’époque contemporaine, avec notamment Bimini, célèbre drag-queen britannique (aperçue dans la Saison 2 de RuPaul’s Drag Race UK), ici en tant “queen of doom”, sorte d’espiègle speakerine télé. C’est elle qui demande : “Avez-vous parfois le sentiment d’être avalés par la brume ?” Parce que les créatures d’Hideous le chantent comme des supplices : c’est un monde où les outsiders triomphent, où les monstres glam ont pris le cinéma d’assaut, avec leur photogénie ravageuse.
Arnaud Hallet
Réalisation et scénario : Yann Gonzalez. Image : Vincent Biron. Montage : Rafael Torres Calderón. Son : Damien Boitel, Xavier Thieulin et Joe Harris. Musique originale : Oliver Sim. Interprétation : Oliver Sim, Fehinti Balogun, Kate Moran, César Vicente, Bimini, Jamie xx et Jimmy Somerville. Production : Friend.