Extrait
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Fatmé

Diala Al Hindaoui

2023 - 15 minutes

France - Documentaire

Production : CinéFabrique

synopsis

Fatmé, 11 ans, a quitté la Syrie avec toute sa famille pour vivre au Liban, dans une tente au bord d’une route de campagne. Ses cheveux en bataille, ses habits sales et son amour de la bagarre font débat dans son entourage. Sa mère s’interroge : est-ce une fille ou un garçon ? À cette question, Fatmé répond en riant : “Je veux juste être la plus forte”.

Diala Al Hindaoui

Diala Al Hindaoui, née en 1997, a grandi à Damas, en Syrie, avant que sa famille ne décide de partir, fuyant le régime, pour s'installer d'abord à Beyrouth, au Liban, puis de gagner la France.

La jeune fille a 19 ans et, vivant alors à Alençon dans une famille d'accueil pendant un an, rejoint les siens en Seine Saint-Denis et entre à l'Université Paris 8 en licence de cinéma. Après quoi elle continue ses études de cinéma à Lyon en intégrant en 2020 la CinéFabrique en section scénario.

Scénariste sur plusieurs projets au sein de ll'école, elle réalise en 2022 son premier court métrage de fiction, Dali raisins rouges, ainsi que son premier court métrage documentaire, Deux morceaux de mémoire.

En 2023, son nouveau film, Fatmé, connaît un ample succès en festivals (Côté court, Cinemed, Entrevues, Cinéma du réel, le Fipadoc, etc.).

 

Critique

Qu’est-ce que je pourrais dire sur moi-même ?” : Diala Al Hindaoui fait le portrait de la petite Fatmé en action. Parce que la fillette ne veut pas parler d’elle, mais aussi parce qu’elle est toujours en mouvement, à grimper aux murs ou dans les arbres, à porter son petit frère ou à jouer à se battre. Sans contextualisation, on la découvre par un gros plan de son bras couvert de fruits rouges écrasés ; image gore d’un bras couleur hémoglobine qui mime la souffrance. Les grimaces et les cris de douleur de la scène suivantes sont causés par les coups de brosse de la mère qui s’efforce de démêler la longue chevelure de sa fille. Ces deux scènes amènent sur un mode quotidien et ludique l’idée de la violence. On ne comprendra que plus tard le contexte : la souffrance fait partie du parcours de Fatmé, qui grandit dans le camp libanais de réfugiés de Taanayel après que sa famille a fui la Syrie, tout comme la réalisatrice installée en France. 

Produit par la CinéFabrique et primé au Fipadoc et au Cinéma du réel, Fatmé se concentre sur les jeux, filmés à hauteur d’enfants, qui débordent tout le reste mais qui, tous, questionnent en creux la répartition des rôles entre garçons et filles. Dans le logement de fortune, Fatmé joue à demander sa sœur en mariage, un gros bouquet de fleurs dans les bras. La mère, elle, parle beaucoup de l’enfant, née dans une fratrie de cinq filles et un garçon, et à qui l’entourage reproche constamment les attitudes jugées masculines. Fatmé crache, jure, adule Rocky et ses gros muscles. Les jeux d’enfants dévoilent combien les souvenirs douloureux cohabitent avec l’urgence de vivre et de découvrir le monde. On comprend alors que la question qui se pose à Fatmé et ses frère et sœurs, c’est comment grandir dans un baraquement au milieu de nulle part, entre deux pays, et comment se projeter dans l’avenir à partir de ce no man’s land. Fatmé répond en souriant à cette interrogation non formulée : elle aime tout de son quartier, l’odeur des fleurs comme le bruit de la scie qui découpe le marbre. Elle évoque aussi, le visage couvert de paillettes sur une joue et de suie sur le front, le témoignage d’un enfant qui n’aimait rien tant que trouer des pneus et qui, vingt plus tard, est devenu ministre ! 

Raphaëlle Pireyre

Réalisation et scénario : Diala Al Hindaoui. Image : Maïssa Elydjia Olivier et Cléo Miquel Delhon. Montage : Lili Cazals et Hugo Pichon-Martin. Son : Plume Languille, Timothé Perrier et Margot Delaunay. Production : La CinéFabrique.