Extrait
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Essaie de mourir jeune

Morgan Simon

2014 - 20 minutes

France - Fiction

Production : Leto Films

synopsis

Vincent et Hervé errent dans la nuit noire à la recherche d’un truc à faire. Vingt-cinq ans, ça se fête.

Morgan Simon

Né en banlieue parisienne en 1987, Morgan Simon suit des études de biologie et de communication avant d’intégrer le département scénario de la Fémis.

La jeunesse et la marginalité sont au cœur de ses films, comme les courts American Football, primé au Festival Premiers Plans d'Angers en 2013, ou Essaie de mourir jeune, nommé aux César en 2016. En 2015, il réalise Réveiller les morts, avec Kévin Azaïs et Julien Krug, produit par Kazak Productions. Il les retrouve tous deux en 2017 dans Compte tes blessures, son premier long métrage, également interprété par Nathan Willcocks et Monia Chokri. Celui-ci est primé au Festival Premiers plans d'Angers, entre autres, et nommé au Prix Louis-Delluc du premier film.

En 2019, Morgan Simon réalise Plaisir fantôme, un court métrage présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, la même année. Nous nous reverrons, inspiré par le motif de la crise migratoire et porté par la voix de l'écrivain Édouard Louis, suit en 2021.

Le cinéaste revient en 2024 à la fiction avec Une vie rêvée, qui réunit Valeria Bruni Tedeschi, Félix Lefebvre et Lubna Azabal.

 

 

 

Critique

Alors que son deuxième long métrage, Une vie rêvée, s’apprête à gagner les salles de cinéma de l’Hexagone à partir du 4 septembre), se replonger dans Essaie de mourir jeune illustre à quel point ce court métrage de 2014 apparaît encore, dix ans plus tard, comme une clé de voûte de l’œuvre de Morgan Simon, alors fraîchement issu du département scénario de la Fémis.

Son premier long, Compte tes blessures (2017), entretenait de nombreux liens de gémellité avec celui-ci, comme nous l’avions souligné à l’époque dans l’article “Du court au long” que nous avions consacré à son parcours. Et un pont est de toute évidence à son tour lancé avec son tout dernier opus, nouvelle histoire de filiation complexe, axée cette fois autour d’une relation mère/fils (le duo étant interprété par Valeria Bruni Tedeschi et Félix Lefebvre). Cette mère quinquagénaire semble d’emblée peu mature, n’assurant guère les responsabilités supposées de l’âge adulte et préférant se muer en meilleure copine – supposée – et en confidente de son jeune adulte de fils, quitte à sombrer dans le ridicule en surjouant la “coolitude”.

On aura vite saisi l’écho qui se reflète ainsi en entrant dans la courte narration d’Essaie de mourir jeune. Soit un épisode ordinaire de la vie de Julien et Hervé, un fils et son “daron”, en virée nocturne, le soir des vingt-cinq ans du premier, jusqu’à l’appartement d’une jeune femme que le fils a rencontrée dans un bar, qui lui a plu et qui finira dans les bras du plus âgé, persuadée jusqu’au matin que ces deux-là sont de simples potes.

L’exclusion de Vincent du lit de celle qu’il avait pensé pouvoir séduire, au profit de son père, est violente et humiliante. Son désarroi et sa fureur contenue, alors qu’il décide de partir, éclaboussent ce petit matin blafard, comme une gueule de bois des sentiments. La rupture est inévitable, même si Vincent n’avait plus guère d’illusions envers son géniteur, comme on l’avait très vite compris. Hervé (Nathan Willcocks, présent dans les films du réalisateur depuis ses premiers exercices de la Fémis) est l’un de ces losers flamboyants, maniant la répartie et une certaine allure, mais qui chipote sur l’addition dans un “kebab” lambda, ayant constamment les poches trouées, ne serait-ce que pour payer deux pauvres menus de base… Un type comme tant d’autres, ayant eu un enfant sans doute par accident, trop tôt, sans être fait pour ça. Maladroit, forcément, voire inapte, et facilement agressif ou blessant. Qui fait passer son plaisir avant tout, lors d’une scène de triolisme demeurée dans les mémoires (et réitérée, en version inversée, dans Compte tes blessures), à propos de laquelle nous évoquions, dans l’article précédemment cité, l’univers de Larry Clark ou celui de Gregg Araki. 

Une parenté émerge, enfin, entre les personnages de jeunes hommes déphasés campés par Julien Krug dans Essaie de mourir jeune – mais aussi dans American Football, autre court de la même époque –, par Kevin Azaïs dans Compte tes blessures et par Félix Lefebvre dans Une vie rêvée. Un même environnement social les réunit aussi, entre horizons bouchés (littéralement par les barres HLM dans le dernier film) et galères de thune et de jobs précaires. Même s’il semble s’être éloigné de cette veine originelle, plutôt roots, Morgan Simon a conservé son esprit d’indignation et de colère, ce qui n’empêche aucunement la tendresse dans le regard qu’il porte sur les enfants en souffrance enfouie comme sur les parents déficients. Et le titre de son film, presque rimbaldien, prend tout son sens, comme une supplique, cruelle et pourtant justifiée.

Christophe Chauville  

Réalisation et scénario : Morgan Simon. Image : Boris Lévy. Montage : Marie Loustalot. Son : Mathieu Villien, Claire Cahu et Samuel Aïchoun. Musique originale : Olivier Hutin. Interprétation : Julien Krug, Nathan Willcocks, Virginie Legeay et Mounir Margoum. Production : Leto Films.

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