Extrait
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Cherries

Vytautas Katkus

2022 - 15 minutes

Lituanie - Fiction

Production : M-Films

synopsis

Une chaude journée d’été. Les branches du cerisier sont pleines de baies mûres, balancées par le vent. Un père récemment retraité invite son fils à l’aider à cueillir les cerises dans le jardin.

Vytautas Katkus

Né le 3 septembre 1991 à Vilnius (Lituanie), Vytautas Katkus est réalisateur, mais aussi chef-opérateur de plusieurs œuvres importantes du jeune cinéma lituanien (comme le court Techno, Mama de Saulius Baradinskas, en 2021).

En 2019, il a présenté à la 58e édition de la Semaine de la critique, à Cannes, Community Gardens, chronique langoureuse et estivale autour d’une relation père-fils plus problématique qu'en apparence.

L'année suivante, il signe un nouveau court métrage, Places, qui est cette fois sélectionné à la Mostra de Venise. Il fait son retour à Cannes en 2022, en compétition officielle des courts métrages, avec Cherries. Ce dernier fait à son tour le monde des festivals (Clermont-Ferrand, Kiev, Nashville, Riga, Uppsala, Valladollid, Vilnius, etc.).

 

Critique

Le titre d’abord. Les cerises. Fruit printanier à la saveur unique, et prétexte à l’intrigue de ce troisième film court en solo de Vytautas Katkus. Une parenthèse bucolique entre un père et un fils, au moment de la retraite toute fraîche du premier. L’aîné a convié son fiston à venir cueillir les drupes rouges du jardin. L’occasion d’un moment partagé, entre évocations du passé et rapprochement parfois silencieux. Les mots sont aussi importants que les gestes, tout comme les rires et les regards. Et surtout, les deux personnages sont incarnés par le réalisateur et son propre paternel, Viktoras Katkus. Mais la proposition de cinéma reste décalée, car la visée n’est pas le documentaire, qui saisirait un morceau de réel en mode reportage ou intrusion familiale. L’aventure convoque le réalisme tangible au départ, pour finir dans la poésie surréaliste. Et légère, légère. Avec, comme cadre chaud, l’été, libéré des contraintes du reste de l’année, et dans lequel la fiction peut s’épanouir en douceur. Malin, le cinéaste lance une piste initiale, avec le témoignage face caméra d’une femme adossée à sa voiture, en confession introspective et réflexive sur le temps qui passe. Puis il enchaîne avec le duo père/fils arrivant dans une poissonnerie, en quête d’une belle pièce, avant de les réunir dans la maison paternelle. Katkus installe un climat plutôt qu’une suite narrative logique, tout en jouant avec le spectateur. L’esprit s’en trouve titillé, pour mieux entrer en observation du duo masculin. L’utilisation des différents angles de prises de vue, et du champ-contrechamp, permet une circonscription du décor, tout en enveloppant les personnages dans une bulle spatio-temporelle, où les affects peuvent se délier. Le papa se réjouit d’entendre l’enregistrement vocal de son benjamin alors tout gosse, tout en se délectant de partager des heures de détente avec lui. Le junior est peu loquace, mais il s’imprègne aussi du moment présent. Alors l’incongru arrive, avec l’écoute en son “in” du fameux tube de rap de 1991 O.P.P. par le groupe américain Naughty by Nature. Contemporain de l’année de naissance du réalisateur, mais aussi de l’indépendance retrouvée de la Lituanie, il résonne comme le lien musical et souterrain entre les deux hommes. Un son venu de loin et pourtant vibrant de ce qui relie les êtres. Une marque du temps. Une empreinte indélébile. L’âme peut désormais vagabonder, durant cette journée estivale où la temporalité se dilate. Tout est possible maintenant que passé et présent se donnent la main. De l’incongru, le récit glisse vers l’apesanteur. Vytautas flotte littéralement. Ingénieuse métaphore de l’auteur pour signifier un état de félicité, aussi éphémère soit-il. Les contingences matérielles et platement réalistes n’existent plus. Les barrières n’ont plus de sens. La lévitation incarne le lâcher-prise ultime. Et la caméra subjective en plongée emporte le public sur une vague céleste, bienvenue en cette approche de l’été indien.

Olivier Pélisson

En partenariat avec 

Réalisation et scénario : Vytautas Katkus. Image : Simonas Glinskis. Montage : Laurynas Bareiša. Son : Julius Grigelionis. Interprétation : Vytautas Katkus, Viktoras Katkus. Production : M-Films.

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