News 26/03/2024

Hommage : Laurent Achard (1964-2024)

Une nouvelle sidérante s’est répandue lundi dernier en fin de journée : Laurent Achard s’est éteint à la veille de fêter ses soixante ans. Cinéaste rare et audacieux, il avait été l’une des figures de proue de la fameuse “génération courts” des années 1990.

Lors de la séance célébrant les 40 ans de L’Agence du court métrage à la Cinémathèque française, le 18 décembre dernier, il était là. À Côté court, en juin, pour de similaires raisons, il était présent aussi… Tel qu’on le connaissait : grand timide fuyant les présentations et discussions avec le public, d’une part, mais accompagnant malgré tout les projections de ses films à sa façon, en restant présent et accessible dans un hall ou sur une terrasse voisine, et se montrant alors rieur, facétieux, sinon survolté. L’annonce de sa disparition en a d’autant plus constitué un choc, pour celles et ceux qui l’avaient connu ou simplement croisé, et pour le cinéma d’auteur français dans son ensemble.

Lorsqu’on débutait à L’Agence au milieu des années 1990, on commençait par voir quelques films incontournables de la période et parmi eux, il y avait Dimanche ou les fantômes, forcément, dont le charme mystérieux ne pouvait laisser indifférent. L’équipe de Bref s’était dès lors intéressée de près au parcours de cinéaste de Laurent Achard, qui venait d’être assistant pour Guiguet et Frot-Coutaz (et un article sur le film, signé du futur réalisateur Christophe Blanc, paraissait dans le numéro 20 de la revue, début 1994), parcours qui s’enrichissait d’un autre court marquant, Une odeur de géranium (photo ci-dessous), en 1997, avant un premier long magnifique, au titre ne l’étant pas moins : Plus qu’hier, moins que demain (photo de bandeau).

Ce dernier devait sortir un peu trop discrètement, au début de 1999, quelques mois avant l’entrée dans le nouveau millénaire, où le cinéaste s’affirmait d’abord par un court, au retentissement considérable : La peur, petit chasseur, tourné en plan-séquence et jouant sur le hors-champ et le son, connaissait un succès de diffusion durable, en festivals et bien au-delà. Le dernier des fous suivait, en 2006, remportant le Prix Jean-Vigo et installant l’univers très personnel de cette personnalité créatrice libre et imprévisible, menant un itinéraire artistique un tantinet chaotique, en tout cas imprévisible.

Un troisième long lorgnant vers le giallo, Dernière séance, étonnait de sa part, en 2011, suivi d’un retour surprise au court deux ans plus tard avec Le tableau, qu’il n’aimait finalement guère. Il s’adonnait ensuite à des documentaires toujours aussi singuliers sur des figures de cinéastes qu’il aimait et admirait : Brisseau (251, rue Marcadet), Stévenin (Simple messieurs – photo ci-dessous), Vecchiali (Un, parfois deux). Ces portraits sont réunis sur un DVD paru aux éditions de l’Œil, avec qui une complicité et une amitié très forte s’était liée.

Dernièrement, Achard avait axé Avant Saturne autour des moments précédant le début du tournage du film de Patricia Mazuy Bowling Saturne. Celui-ci restera comme le dernier opus de sa filmographie, à la fois diverse et cohérente. Nous en sommes profondément attristés, à l’instar de toute une génération de cinéastes qui lui étaient proches et qui l’avaient souvent côtoyé à Côté court, son véritable fief et l’endroit où il avait été découvert de façon décisive, incontestablement. On imagine que la prochaine édition lui rendra hommage, ce serait tout naturel.

Christophe Chauville


Ci-dessus : Laurent Achard, deuxième en partant de la droite, lors du Festival Côté court de Pantin 1994 (à gauche, dans l’ordre : Jacques Maillot, Laurent Cantet et Érick Zonca ; à droite : Jean-Baptiste Huber).
Photo : © Jean-Michel Sicot.

À lire aussi :

- Plus qu’hier, moins que demain édité en DVD en 2019.

- Hommage : Jean-François Stévenin (1944-2021).